3 septembre 2020 - 12:32
MRC et UPA
Dialogue de sourds
Par: Martin Bourassa
De passage à Saint-Hyacinthe, le premier ministre François Legault n’a pas hésité à plonger tête première dans le dossier de l’heure chez nous : le dialogue de sourds entre la MRC des Maskoutains et l’Union des producteurs agricoles (UPA) devant la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).

C’est là que se joue l’implantation de l’usine Exceldor en zone agricole à Saint-Hyacinthe. Laissant entrevoir un parti pris favorable au dézonage, le chef caquiste a invité les parties concernées, à savoir la MRC, la Ville de Saint-Hyacinthe et l’UPA, à s’asseoir ensemble pour trouver un terrain d’entente.

Sans le savoir, François Legault a repris la conclusion de notre éditorial du 23 juillet. Je suggérais alors au maire Claude Corbeil d’avoir une bonne jase avec Exceldor et avec les représentants de l’UPA de la Montérégie. Le hic, c’est que trois jours à peine avant la proposition de M. Legault, l’UPA de la Montérégie, par la main de son président Christian St-Jacques, a sèchement décliné une invitation au dialogue lancée le 30 juillet par la préfet de la MRC des Maskoutains, Francine Morin. Pas la peine, a dit l’UPA.

Manifestement, le premier ministre ne comprend pas pourquoi la MRC et l’UPA sont incapables de s’entendre sur une proposition commune à appuyer devant la CPTAQ, dans la mesure où l’intention est d’accueillir Exceldor, une coopérative de producteurs agricoles membres de l’UPA. Ces gens devraient pouvoir se parler et se comprendre. D’autant plus que ce projet vise la construction d’un abattoir de volailles et non l’implantation d’une usine de machines à laver. L’ouverture devrait être au rendez-vous, mais l’UPA applique la ligne dure et souhaite faire du cas maskoutain un exemple.

Contrairement à l’UPA et à la CPTAQ, François Legault a bien compris que la demande de la MRC des Maskoutains est loin d’être déraisonnable.

En échange du terrain convoité de 23 hectares, la Ville de Saint-Hyacinthe est disposée à laisser ou à remettre à l’usage agricole des terrains d’une superficie supérieure (38 hectares) ailleurs sur son territoire. Elle fait donc la preuve qu’il est possible d’agrandir et de consolider le garde-manger du Québec tout en permettant à un investissement de 200 M$ et des centaines d’emplois de voir le jour. Malheureusement, cette démonstration est passée quasiment inaperçue dans la demande d’exclusion formulée par la MRC à la CPTAQ. L’UPA n’a pas été impressionnante en réaction à la sortie publique du premier ministre, en suggérant qu’il confondait les rôles de l’UPA et de la CPTAQ et qu’il s’ingérait dans un processus administratif auquel le politique devrait se tenir loin. Même si l’UPA n’a pas un pouvoir décisionnel, il ne faudrait pas sous-estimer son pouvoir d’influence et ce que représente son appui dans un dossier donné.

Dans le cas Exceldor, l’UPA s’est employée à saborder deux fois plutôt qu’une les efforts de la Ville de Saint-Hyacinthe et de la MRC des Maskoutains. Et elle n’y est pas allée avec retenue pour s’opposer au dézonage, bien qu’elle ait avancé quelques options qui méritaient d’être analysées en profondeur.

Une semaine après la tentative de rapprochement du premier ministre, force est donc de constater qu’elle a fait patate. Aucune rencontre n’aura lieu entre l’UPA et la MRC d’ici leur ultime passage devant la CPTAQ avant le verdict final. Qu’aurait eu à perdre l’UPA en montrant un peu de bonne volonté? En demeurant inflexible, elle donne des arguments à ceux qui militent en faveur d’un décret gouvernemental qui court-circuiterait la décision de la CPTAQ. On sait que le gouvernement n’est pas chaud à l’idée, mais dans la mesure où l’UPA refuse son appel à la concertation, cette mesure pourrait être défendable.

Québec aura beau jeu de faire porter l’odieux à l’UPA, dans la mesure où l’on peut qualifier d’odieuse la décision de dézoner de force une terre pour un investissement économique majeur dans la Technopole agroalimentaire, et ce, en échange de terres agricoles de plus grandes dimensions.

Si le gouvernement osait imposer un tel décret dans le dossier Exceldor, nul doute qu’il pourrait facilement trouver un tas d’arguments afin de motiver ce geste auprès de la population et des partis d’opposition. Même auprès des membres moins purs et durs de l’UPA. Du moins chez ceux qui ont l’intérêt de notre économie régionale à cœur.

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