2 avril 2020 - 13:25
Urgentologue à l’Hôpital Honoré-Mercier
Dr Robert Patenaude : d’une vague à l’autre
Par: Martin Bourassa
L’urgentologue Robert Patenaude est l’un des piliers de l’Hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe. Photothèque | Le Courrier ©

L’urgentologue Robert Patenaude est l’un des piliers de l’Hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe. Photothèque | Le Courrier ©

Il a survécu à la leucémie au début des années 1980, à une époque où ses chances étaient bien minces, et à une collision en voilier avec une baleine en plein milieu de l’océan en 2006. Médecin et marin accompli, le Dr Robert Patenaude navigue sur une mer bien agitée ces temps-ci à l’urgence de l’Hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe. Il redoute la grosse vague d’hospitalisations liées à la propagation du coronavirus, la fameuse COVID-19. Entretien avec un ange gardien au front.

C’est au petit matin d’une rare journée de repos, entre deux semaines de travail particulièrement intenses, que Robert Patenaude a généreusement accepté la demande d’entrevue que nous lui avions formulée directement la veille. Une entrevue qu’il souhaitait « axée sur l’humain et le médical », selon ses exigences.

Aucun problème, il n’y a pas plus humain que Robert Patenaude. Et pour le médical, il est aussi une référence dans le domaine puisqu’il compte 33 ans de pratique, dont 25 à l’urgence du centre hospitalier maskoutain où il fait figure de doyen parmi la jeune équipe d’urgentologues. Il aura 63 ans dans quelques semaines à peine.

Celui qui comptait profiter d’une retraite partielle en juin a décidé de la repousser de trois mois. C’est que, voyez-vous, en bon capitaine, il n’a pas l’intention de quitter le navire en pleine tourmente et encore moins de le regarder couler, lui qui n’a jamais perdu un bateau pendant toutes les années passées à faire de la voile et des courses transatlantiques en haute mer. Il a donc recommencé à prendre son tour régulier sur le quart de nuit à l’urgence, après 10 ans de sursis. Il faut dire que les ressources médicales ont été doublées la nuit, COVID-19 oblige.

Urgence chaude; urgence froide

De nuit, ils sont maintenant deux urgentologues à se partager les patients réguliers et suspects, ces derniers obligeant les médecins à respecter un strict protocole. Fort heureusement, le triage a été resserré à l’admission et le taux d’occupation à l’urgence est sous contrôle et très bas. Le message de ne plus se présenter à l’urgence pour des cas mineurs a été bien reçu des Maskoutains.

Notre centre hospitalier a d’ailleurs récemment modifié ses pratiques à l’urgence. Un abri placé à l’extérieur de l’établissement fait maintenant office de prétriage. Selon la raison qui les amène à consulter, les malades sont séparés en deux groupes et dirigés vers l’urgence chaude et l’urgence froide où un deuxième triage de classement des priorités est ensuite effectué.

L’urgence chaude reçoit tous les cas pour lesquels on redoute une infection virale, dont les possibles cas de COVID-19; la froide sert pour tous les cas urgents habituels, problèmes cardiaques, fractures, accidents, etc.

L’idée est d’éviter que des porteurs de virus côtoient les malades dits réguliers.

« C’est tout un défi organisationnel et opérationnel de réussir à maintenir et à faire rouler deux urgences. À un médecin la nuit, ce serait impossible. Encore là, il faut faire preuve d’agilité et se préparer à toutes les situations. C’est très exigeant. »

Fait à signaler, le personnel médical au triage se réserve aussi le droit de diriger les cas jugés mineurs vers les cliniques de groupes de médecine de famille (GMF). Ce n’est pas une simple suggestion, mais une obligation pour diminuer à tout prix la pression sur l’urgence. « Si on reçoit une dizaine de cas, ça va aller, mais 50, on sera pu capables », ajoute le Dr Patenaude pour motiver cette décision qu’il salue et qui aurait dû être appliquée depuis des années déjà dans le réseau de la santé.

À ce propos, il mentionne que la crise actuelle bouscule bien des habitudes et des façons de travailler. Il faut aller au plus pressant et éteindre des incendies, donc l’écoute compatissante et les longues explications n’ont plus trop leur place dans les relations médecins/patients. « Ça va vite et nous devons faire ça court pour nous protéger. »

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