30 juillet 2020 - 13:33
Environnement
Encore des rejets dans la Yamaska
Par: Rémi Léonard
La rivière Yamaska à la hauteur du Rapide-Plat Nord. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La rivière Yamaska à la hauteur du Rapide-Plat Nord. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Des citoyens ont constaté mercredi des rejets dans la rivière à la hauteur de la station d’épuration de la Ville de Saint-Hyacinthe. Photo gracieuseté

Des citoyens ont constaté mercredi des rejets dans la rivière à la hauteur de la station d’épuration de la Ville de Saint-Hyacinthe. Photo gracieuseté

Des citoyens ont constaté la semaine dernière des rejets nauséabonds dans la rivière Yamaska en provenance de l’usine d’épuration de la Ville de Saint-Hyacinthe. Les images peu ragoutantes qui ont circulé sur les réseaux sociaux laissaient peu de doute sur la matière qui aboutissait dans le cours d’eau.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’eau rejetée à la rivière avait pourtant été traitée à l’usine, a assuré vendredi la Ville de Saint-Hyacinthe, qui disait être bien au fait de la situation. Les eaux usées ont passé par toutes les étapes de traitement et l’usine « fonctionne normalement », a affirmé la directrice des communications de la Ville, Brigitte Massé.

Le problème est qu’une quantité beaucoup plus grande qu’à l’habitude de « matières en suspension » s’est retrouvée à l’usine la semaine précédente en raison des fortes précipitations qui sont tombées sur la région. En période sèche depuis plusieurs semaines, ce « coup d’eau » aura eu comme effet de « rincer » le réseau d’égouts en entier, a expliqué Mme Massé, en plus d’amener une grande quantité d’eau à traiter à l’usine. À Saint-Hyacinthe, le réseau comporte en effet plusieurs sections toujours unitaires (eaux pluviales et eaux usées), même si le remplacement par des conduites séparées se fait graduellement.

Le fait est que l’usine d’épuration n’a visiblement pas réussi à traiter l’ensemble des matières qui lui sont parvenues dans un court laps de temps. La directrice des communications de la Ville a expliqué la situation par la température élevée de l’eau à cette période de l’année, qui a entraîné la formation de « filaments » qui ont retenu la matière solide à la surface de l’eau lors de l’étape de décantation. Au lieu de retomber au fond du bassin comme attendu, une partie des matières solides sont donc restées dans l’eau, qui est finalement retournée à la rivière.

La Ville s’affairait vendredi à ajuster la situation pour rendre à l’eau qui sort de l’usine « une apparence plus normale ». C’était alors une question « d’heures ou de jours », a commenté Mme Massé. Cette semaine, la situation s’était effectivement améliorée, a-t-elle rapporté mardi.

Des citoyens vigilants

Encore une fois, ce sont des citoyens qui ont rapporté que quelque chose clochait dans la rivière. Au cours d’une simple balade en canot, le 22 juillet, deux adolescents de 13 et 15 ans sont tombés par hasard sur le rejet en question. À la hauteur de l’usine d’épuration, des matières qui leur semblaient être des excréments sortaient de sous l’eau. Ils ont aussi constaté la présence de bulles d’air et d’une odeur fétide. Le canal de sortie de l’usine d’épuration se trouve au milieu du cours d’eau, sous la surface.

Leur père, Philippe Gentile, un résident du Rapide-Plat Nord, était d’ailleurs l’un des citoyens qui avait alerté les autorités lors du déversement de l’été 2016, qui avait provoqué la mort de milliers de poissons. Il s’est dit consterné de constater que des rejets ont toujours lieu dans la rivière, apparemment en toute impunité. « Il ne se passe jamais rien », a-t-il déploré en voyant l’histoire se répéter.

Cette plus récente contamination n’a toutefois rien à voir en ampleur avec le déversement de 2016, a-t-il reconnu. Il a tout de même dit constater une mortalité accrue chez les plus jeunes alevins nés cette année. C’est sa sœur, Catherine Gentile, qui a mis la vidéo sur les réseaux sociaux dans l’espoir de conscientiser ses concitoyens sur l’importance de protéger la rivière Yamaska.

La situation offre en effet un triste rappel des déversements d’eaux usées survenus lors des étés précédents à Saint-Hyacinthe, à la différence que cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un incident ou d’une surverse, selon la version des faits fournie par la Ville. Heureusement, selon les premiers renseignements, on ne rapporte pas de dommages collatéraux comparables à ceux des déversements de 2016 et de 2019, où des poissons morts avaient été retrouvés par centaines au Rapide-Plat Nord, en aval de la station d’épuration. Au moment où les citoyens ont constaté le rejet, le 22 juillet, en après-midi, le débit de la rivière était autour de 12 m³/s, soit un peu plus élevé que lors des derniers incidents.

Un milieu fragile

Le hasard voulait que l’Organisme de bassin versant (OBV) de la Yamaska se trouvait justement sur le cours d’eau la semaine dernière. Ses équipes poursuivaient le travail amorcé l’an dernier d’éradication de la châtaigne d’eau, une espèce envahissante présente dans la Yamaska. En entrevue au COURRIER, le directeur général de l’organisme, Alex Martin, a cependant indiqué que l’incident ne lui a pas été rapporté.

L’OBV est tout de même bien conscient des problématiques entourant le traitement des eaux usées dans la région. À Saint-Hyacinthe en particulier, l’une des difficultés tient tout simplement à la taille de la Ville par rapport au « milieu récepteur », a soutenu M. Martin. Cet enjeu a par exemple été mis en lumière par le déversement de l’été 2016, où le faible débit de la rivière a rendu l’incident particulièrement dommageable. Avec les changements climatiques, il est d’ailleurs à prévoir que le problème ira en augmentant, a-t-il averti. Voilà pourquoi il faut voir à « changer les pratiques » et à être particulièrement vigilant avec la qualité de l’eau en période estivale, a soutenu le directeur de l’OBV.

Alex Martin appelle d’ailleurs à une large réflexion pour identifier et mettre en place « des solutions innovantes et des nouvelles méthodes » pour éviter que de tels événements ne se répètent. « Nous sommes pris avec des infrastructures [de traitement de l’eau] qui datent des années 1970, 1980 et 1990. Le remplacement des conduites d’égouts unitaires, par exemple, prendra encore des années », a-t-il soulevé, appelant donc à la recherche de « solutions à court terme ».

À Saint-Hyacinthe, la Ville est d’ailleurs en attente de financement pour une mise aux normes complète de son usine d’épuration, construite en 1983, un projet évalué à 33 M$.

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