Nous avons donc reçu à deux jours de préavis une invitation parce que nos terres avaient un potentiel à leurs yeux. Une rencontre se prévoit habituellement quelques semaines d’avance sauf si on espère devancer les fuites. La Ville a fourni un local à des lobbyistes qui maraudaient sans autorisation pour vendre leur projet, et ce, dans le dos de la population.
Il y avait tout pour que ça explose : des cultivateurs convaincus que ce qu’ils font avec leur terre ne regarde qu’eux quand le paysage appartient à tous, un maire qui posait des questions un peu malhabiles en feignant son appui au projet et une directrice générale présente, mais qui ne possède pas de terres et qui se permettra deux interventions.
On nous met bien en garde dès le début que tout enregistrement auditif ou visuel ainsi que les photos sont interdits. On nous dit aussi qu’il est faux [de prétendre] que l’entreprise fait du maraudage et agit en catimini, que le tout se fait dans un processus de transparence. Le maire martèle devant moi que la transparence est très importante. Nous sommes dans un local fermé à clé où nous sommes six sur environ quarante à questionner la façon de faire de l’entreprise qui explique pourquoi elle fait signer les cultivateurs et leur donne des montants incitatifs avant de consulter la population.
On parvient à semer un doute, ça chahute et pour garder le momentum de vente, Mme Normand [coordonnatrice principale du développement chez Innergex] dira à deux reprises dans les cinq minutes qui suivront : « L’acceptabilité sociale n’est pas un but… »
Les cultivateurs deviennent des complices d’un modèle d’affaires qui ne s’enseigne pas dans les universités parce qu’il n’est pas éthique.
J’ai tout enregistré, j’ai défié la règle. À la fin de la rencontre, elle s’en doute et me dit que je suis malhonnête et me menace de poursuites. En sortant par l’escalier, le maire lui dira : « Tu me demandais d’où venait la fuite, tu as ta réponse là. »
À leurs yeux, je suis celui qui a troublé l’ordre public, un traître parmi les cultivateurs.
Je voudrais terminer en précisant que le modèle d’affaires qui apporte de l’argent aux MRC et municipalités se fait à même le bas de laine d’Hydro-Québec.
Si, dans la MRC de Pierre-De Saurel, ils font leurs frais, c’est tant mieux parce qu’ils bénéficient du prix fixé par l’industrie éolienne, qui s’est assise à table avec Hydro-Québec. Ils ont négocié un tarif de 12 à 14 cents le kW/h, mais Hydro-Québec nous le vend la moitié du prix.
Que l’argent sorte pour les municipalités, via des vases communicants, va encore, mais quand on sait que le président d’Innergex gagne 2,34 millions $ par an avant prime et qu’Hydro-Québec y a investi 773,5 millions $, que les actions ont chuté de moitié depuis 2020, on se demande pourquoi ce lobby a pris toute la place sans envisager que le solaire serait peut-être plus justifié dans nos campagnes?
Je crois que l’UPA devrait faire valoir la juste valeur du développement durable et son considérant social avant que le fossé ne se creuse encore plus entre les cultivateurs et le reste de la population.
Pierre Renard, Saint-Pie