Son père décide qu’il étudiera au Collège Sacré-Cœur, dont la construction vient à peine d’être achevée. Le nouveau collège préparait davantage les élèves à une carrière dans le commerce et l’industrie plutôt qu’à une profession libérale, comme le faisait le Séminaire.
Après ses études, Ernest travaille un court laps de temps comme comptable dans une compagnie de transport à Montréal. Il revient à Saint-Hyacinthe dès 1913 pour travailler à la maison Amyot et Cie, une manufacture de vêtements. Le directeur, Aimé Amyot, d’allégeance conservatrice, sera très important dans la vie d’Ernest, qui le considère comme son mentor.
En 1914, Ernest-J. convainc son père de se porter acquéreur d’un commerce de bois et de charbon. Il continue de travailler pour Aimé Amyot, tout en donnant un fier coup de main à son père dans la nouvelle entreprise familiale. Le 20 juillet de la même année, il épouse à Montréal Marie-Anne Duhamel, qu’il avait rencontrée l’année précédente lors de son bref passage dans la métropole. Le couple s’installe à Saint- Hyacinthe sur la rue Bourdages.
Lorsque les Chartier décident d’ouvrir une succursale de leur commerce à Québec, c’est Thomas Duhamel, le frère de Marie-Anne, qui en assume la direction. En 1921, Ernest prend la relève de son père dans la direction de l’entreprise de bois et de charbon.
Parallèlement à ses activités commerciales, Ernest-J. poursuit son implication dans différentes sphères de la société. C’est ainsi qu’il est président de l’Amicale des anciens élèves du Collège Sacré-Cœur, directeur de l’Association des marchands-détaillants et directeur de l’Union Saint-Joseph, entre autres exemples.
Le 18 juin 1936, Chartier frappe un grand coup en devenant actionnaire majoritaire du Courrier, journal qui existe depuis 1853. Ce journal, contrairement au Clairon de T.-D. Bouchard qui affiche clairement ses allégeances libérales, se dit libre de toute attache politique. Dans les faits, il servira à partir de 1936 les intérêts des Bleus, tant le Parti conservateur que l’Union Nationale de Maurice Duplessis.
En 1936, Ernest-J. Chartier se présente comme conseiller aux élections municipales dans le quartier no 2, il est défait par une très faible marge. Lors des élections provinciales, rendues nécessaires par la démission du gouvernement Taschereau, Chartier espère se présenter pour l’Union Nationale, le nouveau parti fondé par Duplessis. Ce dernier lui préfère un autre candidat, ce qui n’affaiblit en rien la loyauté de Chartier envers son chef.
C’est à cette époque que les dirigeants de l’Union Saint-Joseph rencontrent Chartier et le notaire Louis-Édouard Morier afin que ceux-ci leur proposent des solutions d’avenir. Ernest-J. et Morier suggèrent à l’Union de se convertir en compagnie mutuelle, c’est-à-dire en véritable compagnie d’assurance vie. L’Union Saint-Joseph devient ainsi, grâce à Chartier, la première société de secours mutuel à se transformer en compagnie mutuelle, ce qui deviendra peu à peu la norme.
Dans la nuit du 17 au 18 janvier 1938, le Collège Sacré-Cœur est détruit par les flammes. Cinq frères et 41 élèves perdent la vie dans le brasier. Il s’agit de la pire tragédie à avoir frappé Saint-Hyacinthe. Le couple Chartier est touché personnellement par cet événement. Leur fils Claude, âgé de 11 ans, est pensionnaire à ce collège et il figure parmi les victimes. Les Chartier ne se remettront jamais tout à fait de ce drame.
À suivre…
Par Martin Ostiguy, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe