2 février 2023 - 07:00
Demandeurs d’asile et travailleurs étrangers temporaires
Espace carrière demande de pouvoir leur offrir des services
Par: Adaée Beaulieu
Eric Devost, coordonnateur des services chez Espace carrière, et Chantal Morasse, directrice générale de l’organisme. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Eric Devost, coordonnateur des services chez Espace carrière, et Chantal Morasse, directrice générale de l’organisme. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Une semaine après la sortie dans les médias du directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes,Stephan Reichhold, qui demandait aux gouvernements d’aider les demandeurs d’asile à avoir accès aux services publics, Eric Devost, coordonnateur des services chez Espace carrière, et la directrice générale Chantal Morasse ont rencontré LE COURRIER pour militer aussi en ce sens.

Depuis décembre, seulement une demande sur les 23 adressées à Services Québec pour que des demandeurs d’asile ou des travailleurs étrangers temporaires aient accès aux services d’Espace carrière a été acceptée.

Dans un premier temps, Eric Devost et Chantal Morasse souhaiteraient que tous les demandeurs d’asile aient accès aux services publics en emploi pour favoriser leur intégration et ainsi qu’ils puissent contribuer à la société plus activement. Ils se basent sur un texte de l’Institut universitaire SHERPA, publié en 2021 et intitulé Le parcours d’installation des demandeurs d’asile au Québec. « Parmi les personnes ayant fait une demande d’asile au Québec, la majorité (59,8 % en 2017-2020) verra leur demande accueillie, ouvrant la voie vers la citoyenneté. Il est d’autant plus important de prendre dès le départ des mesures pour favoriser leur intégration et celle de leurs enfants, que ce soit sur le plan de la francisation, de l’emploi, de l’éducation ou des conditions de vie », peut-on y lire.

Actuellement, les demandeurs d’asile ne peuvent pas obtenir de services publics tant qu’ils n’obtiennent pas leur statut de personnes protégées, ce qui peut prendre de quelques mois jusqu’à quatre ans, selon les cas observés par l’organisme maskoutain. Leur numéro d’assurance sociale émis par le gouvernement fédéral débute par le chiffre 9 afin de les identifier.

Un autre élément qui complexifiait les choses est que les délais étaient très longs avant que le numéro d’assurance sociale soit changé après l’obtention du statut. Les demandeurs d’asile ne pouvaient donc pas obtenir de services pendant ce temps.

Heureusement, à la suite d’une rencontre entre les représentants d’Espace carrière et la députée provinciale Chantal Soucy, seule la preuve du statut est désormais nécessaire pour obtenir les services.

Dans un second temps, Eric Devost et Chantal Morasse souhaitent que la bureaucratie soit mise de côté et que les services puissent être offerts automatiquement. Actuellement, il faut 25 minutes pour analyser et soumettre un dossier à Services Québec, du travail pour lequel l’organisme n’est pas financé, et rien n’assure que la réponse sera favorable. Cela totalise sept heures de travail depuis décembre. Localement, Espace carrière a un bon lien avec le bureau maskoutain de Services Québec, mais celui-ci a les mains liées. D’ailleurs, depuis l’automne, Espace carrière fait affaire avec une consultante en immigration pour obtenir de la formation continue dès que la loi change en matière d’immigration.

Inconvénients du fonctionnement actuel

Après environ trois mois, les demandeurs d’asile obtiennent un permis de travail, mais ne peuvent pas être encadrés. « On ne peut ni les accompagner dans leur recherche d’emploi ni les préparer au marché du travail au Québec. Ils doivent s’organiser eux-mêmes pour trouver un emploi, pour connaître les normes du travail, leurs droits, les règles en matière de santé et sécurité au travail, la façon de se comporter au travail et pour affronter les chocs culturels reliés à l’intégration en emploi », a expliqué Chantal Morasse.

« Ils arrivent avec des parcours migratoires perturbants, qui ont été extrêmement pénibles. Quand on parle de la route des migrants qui traverse le Brésil, on parle de mois de marche dans des conditions atroces, sans parler de ce qu’ils ont vécu avant dans leur pays », a renchéri Eric Devost pour souligner toute la vulnérabilité de ces personnes provenant principalement de la Colombie et du Mexique, mais aussi du Nigéria, de la Turquie et d’Haïti.

Espace carrière en rencontre quatre à cinq par jour depuis juillet. Plus globalement, sur 258 personnes nées hors Québec rencontrées depuis juillet, 47 étaient arrivées au Québec en 2022 et un cas sur trois demandait qu’une demande soit adressée à Services Québec.

Laissés à eux-mêmes ici, au Québec, ils se retrouvent souvent dans des emplois qui ne sont pas à la hauteur de leurs compétences et qui ne perdureront pas dans le temps. Ils n’apportent donc pas leur part à l’économie, notamment en payant des impôts et en consommant. De plus, leur apport n’est pas maximisé pour contrer la pénurie de main-d’œuvre.

Étapes à venir

Une seconde rencontre est prévue aujourd’hui, le 2 février, avec l’équipe de Chantal Soucy. Des discussions ont déjà eu lieu il y a une semaine avec les attachés politiques du député fédéral Simon-Pierre Savard-Tremblay. Espace carrière a aussi rencontré Services Québec le 30 janvier.

« Ces changements assureraient à ces personnes un filet social pour toute leur vie professionnelle », a conclu Chantal Morasse.

image