13 janvier 2022 - 07:00
Pénurie de main-d’œuvre
Exceldor au pied du mur
Par: Sarah Villemaire
Au moment d’écrire ces lignes, il manque environ 30 % des travailleurs à l’usine Exceldor de Saint-Damase. Photothèque | Le Courrier ©

Au moment d’écrire ces lignes, il manque environ 30 % des travailleurs à l’usine Exceldor de Saint-Damase. Photothèque | Le Courrier ©

Pointée du doigt depuis les derniers jours, l’entreprise Exceldor est présentement aux prises avec de nombreux retards d’activités dans ses usines d’abattage forçant ainsi l’euthanasie de milliers de volailles. L’usine de Saint-Damase ne fait pas exception à la règle alors qu’elle a dû composer avec cette réalité en raison d’un manque de personnel lié à la pandémie.

Au-delà de la crise sanitaire, le secteur agroalimentaire est touché de plein fouet par les conséquences entourant la pénurie de main-d’œuvre. Malgré la bonification des salaires et des conditions de travail dans certaines de ses usines, l’entreprise peine à combler ses équipes. Comme plusieurs autres, Exceldor se tourne présentement vers les travailleurs étrangers temporaires. Toutefois, la livraison de leur permis de travail a été retardée depuis quelques mois par le fédéral, ce qui a occasionné un manque important de personnel autant au niveau des équipes de captures qu’à l’usine de Saint-Damase.

Dans un récent communiqué publié le 10 janvier, le ministère de l’Emploi et du Développement social a donné son accord pour faire passer de 10 % à 20 % le ratio de travailleurs étrangers temporaires. Satisfaite de la décision, la direction d’Exceldor espère que cette hausse aidera rapidement à combler le manque d’employés dans ses usines. « Il s’agit d’un pas de plus dans la bonne direction, maintenant il reste à savoir si les délais seront également plus raisonnables que ceux en vigueur. Nous souhaitons sincèrement qu’ils soient plus courts », a répondu par courriel Gabrielle Fallu, chef des relations publiques et gouvernementales chez Exceldor. Mentionnons qu’à ce jour, un manque d’environ 30 % des travailleurs à l’usine de Saint-Damase est à combler, selon les informations fournies par Mme Fallu.

Pencher dans la balance

Bien que la pénurie de main-d’œuvre rende la production plus contraignante, le poids des poulets, une fois arrivés à l’abattoir, peut poser problème. Pesant plus de trois kilos, les poulets trop volumineux peuvent entraîner des bris d’équipement dans les usines de transformation primaire et peuvent se voir même refuser par les clients pour non-conformité du produit.

« Le traitement d’oiseaux dépassant parfois largement ce poids occasionne des bris presque journaliers dans nos usines, ce qui accentue les retards. C’est pourquoi, avec la montée fulgurante des cas de COVID-19 dans la province et le nombre précaire de travailleurs, nous ne pouvions pas envisager de courir le risque que la situation s’aggrave davantage. Pour des questions de bien-être animal et de marché, nous sommes donc contraints à avoir recours à la pratique de l’euthanasie humanitaire », renchérit Gabrielle Fallu.

Comprenant la situation, la déception est tout de même au rendez-vous pour Roxane Larouche, représentante nationale pour le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce au Canada (TUAC).

« C’est décevant de devoir mettre de côté des poulets de plus de trois kilos qui sont, pour la majorité, propres à la consommation. Le problème est qu’il n’y a pas de clients intéressés à recevoir des poulets aussi gros. Oui, on peut avoir recours à l’équarrissage, mais ça ne règle pas l’entièreté du problème », explique-t-elle.

Tenant à trouver des solutions pour limiter, dans la mesure du possible, le nombre de poulets euthanasiés, Exceldor invite les autres transformateurs, dont Olymel, à venir chercher gratuitement les oiseaux pour pouvoir les transformer à leur tour. « On a accepté de les aider dans le meilleur de nos capacités d’abattage, car la situation est fragile partout. On va continuer à le faire pourvu que ça ne ralentisse pas nos activités », souligne Richard Vigneault, responsable aux communications corporatives chez Olymel.

Alors que des solutions temporaires sont présentement sur la table, Roxane Larouche souhaiterait ouvrir la discussion avec les différentes parties pour en venir à des idées d’approvisionnement concrètes. « Exceldor est à la merci des contrats des restaurateurs et des épiceries. Il faudrait trouver d’autres preneurs, comme des organismes, qui seraient intéressés par la plus grosse volaille encore très bonne pour la consommation. Je pense qu’il faut donner une seconde chance aux poulets avant de les envoyer directement à l’équarrissage », affirme-t-elle.

Un service essentiel

Dans le même bateau, les usines d’abattage et de transformation d’aliments sont considérées comme étant un service essentiel pour la population. Pour éviter toute éclosion sur le plancher, les gestionnaires et syndicats revoient quotidiennement les mesures sanitaires pour prévenir les éclosions. « On mobilise nos gens en les soumettant à des consignes sanitaires strictes. C’est une façon de nous protéger et de protéger les autres tout en maintenant les activités », mentionne Richard Vigneault.

Sans obligation, le syndicat d’Exceldor invite de son côté les travailleurs à se procurer leur dose de rappel contre la COVID-19. « On ne veut forcer personne, mais on rappelle aux gens intéressés qu’ils peuvent déjà prendre rendez-vous pour la vaccination étant donné qu’ils sont reconnus comme des travailleurs essentiels par le gouvernement », conclut la représentante nationale pour TUAC Canada.

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