D’abord dessinatrice, Annie Descôteaux délaisse de plus en plus le dessin, depuis 2006, pour se consacrer surtout à l’art du papier découpé. D’un coup de ciseau méticuleux, elle découpe et taille chaque icône qu’elle assemble ensuite pour créer un univers où règnent l’abondance et l’excès. Bien que sa méthode laisse croire à une certaine naïveté, on remarque, lorsque l’on s’attarde aux détails, que les collages témoignent d’une absurdité dans notre consommation.
« Je suis consciente que le collage produit un effet particulier. C’est calculé et cela marche. À première vue, mes collages semblent un peu naïfs parce que cela ramène au bricolage, à notre enfance. Mais quand les gens s’approchent et observent les compositions, ils voient l’aspect macabre. Je trouve que cela crée un beau contraste », explique Annie Descôteaux. Dans le cadre d’Orange, l’artiste propose des collages qui traitent des débauches de la table, de l’excès alimentaire et des désordres affectifs. Dans la série de huit scènes de table Ad nauseam, qui signifie « jusqu’à la nausée », se déploie un festin décadent où l’excès alimentaire et sexuel s’entrecroisent. « La nourriture et la sexualité envoient, selon moi, à un besoin similaire. C’est la raison pour laquelle je présente les deux en analogie et je trouve que cela fonctionne bien », poursuit-elle.Inspirée par le film Marie-Antoinette de Sophia Copolla, les déboires alimentaires et sexuels sont au coeur de ses réalisations. Pour accompagner la série Ad nauseam, jusqu’à maintenant inédite, Annie Descôteaux propose un petit libretto intitulé Ad nauseam — Le Festin de la Veuve dans lequel sont écrites huit scènes où la Veuve faussement veuve reçoit ses convives pour un repas de huit services dans huit salons différents. Dentelles et vanité sont alors à l’honneur, mais perversion et désenchantement s’ensuivent rapidement.« Il y a une frustration dans mes oeuvres. Je ne fais pas de l’art engagé, mais je veux dénoncer l’idée de l’excès et du privilège. Tout le monde, encore aujourd’hui, ne peut se permettre ces déboires qui sont, en quelque sorte, dédiés à une certaine élite. »Et en même temps, elle relève une irrégularité dans la société. Celle qui veut que l’on consomme abondamment, mais qui veut également que l’on soit raisonnable. « Nous sommes dans une époque contradictoire. On veut nous convaincre de consommer, mais si nous faisons des excès, nous sommes étiquetés et jugés. Et du point de vue féminin, l’excès est encore plus mal vu! Pour ma part, je suis quelqu’un de gourmand qui aime être festif et qui aime le sentiment d’ivresse. Mais ce n’est pas quelque chose qui se dit publiquement. Il y a là, je crois, un réel questionnement », conclut-elle.Un vernissage pour la 4 e édition d’Orange aura lieu samedi à 14 h à Expression, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, et à 15 h à La Ressourcerie aux entrées 1095, 1135 et 1165, avenue Laframboise. Le livret Ad nauseam — Le Festin de la Veuve sera en vente sur place.