24 septembre 2020 - 15:10
MRC, Exceldor et UPA
Faire pression
Par: Martin Bourassa
Dans un monde idéal, la MRC des Maskoutains et l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie se présenteraient tout sourire lors de l’audience publique de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). Main dans la main, ils y mousseraient un projet rassembleur afin d’assurer le futur de la coopérative Exceldor dans la région maskoutaine. Mais il ne faut plus rêver en couleurs.

Poussés par on ne sait trop quels intérêts (idéologiques ou politiques?), les représentants régionaux de l’UPA sont fermés à toutes discussions, bien campés sur leur position. Celle-ci se résume ainsi : pas question de céder le moindre pouce de terre agricole.

C’est une fin de non-recevoir, et ce, même si la Ville s’engage à retourner à l’agriculture bien davantage de sol blanc ailleurs sur son territoire. Contre 23 hectares de terre agricole pour le projet Exceldor, la Ville de Saint-Hyacinthe est en effet disposée à garantir à l’usage agricole l’équivalent de 38 hectares d’espace actuellement dézoné.

Pas besoin d’être agronome pour apprécier ce deal, non? J’ai fait le test à la maison en remplaçant les hectares par des raisins. Mon fils de 7 ans a tout de suite flairé la bonne affaire lui, ce que refuse obstinément d’envisager l’UPA. L’échange n’est pas un mécanisme prévu par la Loi, dit l’UPA pour justifier son refus d’appuyer cette proposition.

Vrai, mais il faut parfois faire preuve de gros bon sens. Savoir se réinventer et penser en dehors de la fameuse boîte quand le besoin s’en fait sentir. C’est le cas ici.

Ha oui, l’UPA ne s’est pas gênée pour s’indigner des pressions politiques dont elle dit faire l’objet depuis le passage chez nous du premier ministre François Legault. Le maire de Saint-Hyacinthe et la préfet de la MRC, appuyés par des gens d’affaires et des agriculteurs en faveur du projet d’Exceldor, sont en effet passés à l’offensive, en invitant l’UPA au dialogue.

Il est quand même ironique d’entendre l’UPA se plaindre de pressions politiques, elle qui est sans contredit l’un des lobbys les plus redoutables et redoutés par la classe politique. Quand vient le temps de défendre ses propres intérêts, l’UPA n’a pas l’habitude de mettre des gants blancs. Alors ce qui est bon pour minou devrait aussi l’être pour pitou.

Dans ce dossier, l’UPA a aussi tenté une manœuvre de diversion en demandant une copie de l’entente confidentielle liant la Ville de Saint-Hyacinthe à Exceldor. Gageons qu’elle n’aura pas plus de succès que LE COURRIER en a eu l’an dernier. Cette sortie théâtrale ne fera que braquer encore davantage les deux camps sur leurs positions respectives.

Dans ce contexte hostile, et dans la mesure où rien n’a changé depuis l’orientation préliminaire défavorable rendue à l’égard du dézonage pour Exceldor, il ne faut donc pas s’attendre à ce que la CPTAQ donne son feu vert au projet. D’autant plus qu’avec l’intervention de François Legault, les commissaires de la CPTAQ voudront sans doute profiter de l’occasion pour affirmer haut et fort leur indépendance.

Reste l’option du décret ministériel qui aurait pour effet de court-circuiter la CPTAQ et qui pourrait se justifier facilement dans l’opinion publique compte tenu de l’échange de terre proposé. C’est à Québec qu’il faut donc concentrer la pression dans le dernier droit.

Car à la lumière des échos qui nous parviennent de là, le gouvernement se refuse toujours à envisager cette solution facile qui soulèverait la grogne du milieu agricole. On dit même que le ministre de l’Agriculture aurait déjà passé le message à Exceldor : pas de décret.

Même à deux ans des prochaines élections et malgré des sondages plus que favorables à sa réélection, la CAQ refuserait de se mettre les agriculteurs à dos, quitte à pénaliser au passage et pour longtemps la région de Saint-Hyacinthe.

C’est dire à quel point nos amis agriculteurs ont de l’influence à Québec!

Bref, l’usine Exceldor n’a jamais semblé aussi loin du parc Olivier-Chalifoux de Saint-Hyacinthe. Même si Exceldor s’entête à dire qu’il s’agit là du meilleur endroit possible pour réaliser son investissement de 200 M$ et la Ville de Saint-Hyacinthe qu’il s’agit là du seul endroit possible, la démonstration n’arrive même plus à convaincre tous les maires de la MRC des Maskoutains. On en est là malheureusement. À la porte d’un plan B.

image