Lundi soir dernier, lors de la réouverture des salles de spectacles, je n’avais pas de mots. Je ne savais comment réagir. En fait, je ne voulais pas y penser.
Les deux dernières années m’ont habitué à ne pas me projeter trop loin, à me concentrer uniquement sur le moment présent. Je me préparais à faire mon travail avec mes collègues de la Ligue nationale d’improvisation (LNI) et nous attendions dans les coulisses du Club Soda que les lumières s’éteignent pour annoncer le début du spectacle.
À travers les murs, nous entendions le brouhaha confus du public dans l’attente. Les techniciens, à leur poste, allaient bientôt donner le signal du départ. Un moment qui m’a semblé durer une éternité. Puis, ce fut le noir sur scène. Suivi aussitôt d’une explosion de joie à faire vibrer l’édifice de béton et de métal; le spectacle n’était même pas commencé que le public hurlait et applaudissait comme à la conclusion d’une finale.
À ce moment, une vive émotion s’empara de nous, remontant de nos ventres jusqu’à nos gorges, nos yeux et emplissant nos têtes tout entières. Et mon poète intérieur ayant retrouvé ses mots s’exclama : « Enfin, nous arrivons à ce qui recommence! »
Nous sommes montés sur scène, célébrer le retour de l’art vivant, mais avec dans nos cœurs tous ces artistes, artisans, techniciens et membres du public qui ne sont malheureusement plus avec nous aujourd’hui et qui créent ailleurs.
À eux et elles, mais aussi tous ces lieux qui suivront où nous pourrons nous retrouver, fraterniser, nous réhumaniser. Le chemin de la guérison sera long, il y a encore beaucoup à faire et à réconcilier, mais la marche est commencée.
« Qu’au moins nos regards se croisent en un lieu d’irréductible amitié »
– Gaston Miron