1 avril 2021 - 13:47
Recours collectif contre Natation artistique Canada
Geneviève Peel exclue, mais soulagée et solidaire
Par: Maxime Prévost Durand
Bien qu’elle ne figure pas parmi les requérantes du recours collectif entamé contre Natation artistique Canada, l’ex-nageuse maskoutaine Geneviève Peel se montre solidaire aux victimes, ayant elle-même vécu des abus psychologiques dans sa carrière. Photo gracieuseté

Bien qu’elle ne figure pas parmi les requérantes du recours collectif entamé contre Natation artistique Canada, l’ex-nageuse maskoutaine Geneviève Peel se montre solidaire aux victimes, ayant elle-même vécu des abus psychologiques dans sa carrière. Photo gracieuseté

Un important recours collectif lancé contre Natation artistique Canada (NAC) crée des remous depuis quelques semaines, en lien avec des situations d’abus psychologique et de harcèlement. Elle-même victime de ce type de préjudices dans sa carrière, la Maskoutaine Geneviève Peel s’est dite soulagée de cette nouvelle étape franchie même si elle n’a pas été incluse parmi les requérantes.

« Je n’en revenais pas. Je suis tombée en bas de ma chaise [quand j’ai appris qu’il y avait un recours collectif qui s’organisait]. C’est encourageant de savoir qu’il y a vraiment quelque chose qui se met en place et qui a des chances de fonctionner », s’est-elle exclamée dans un entretien avec LE COURRIER.

Les dénonciations et enquêtes internes n’avaient pas donné les résultats espérés jusqu’ici puisque rien n’avait changé à Natation artistique Canada, soulève-t-elle. « On était rendus à un point où il n’y avait pas d’autres solutions qu’un recours légal. Ce n’est pas comme si les nageuses n’avaient pas essayé d’autres choses avant. »

Pour des raisons légales, il a été déterminé que seules les nageuses ayant évolué au sein des équipes nationales, tant au niveau senior que junior, peuvent faire partie du recours collectif. Or, Geneviève Peel n’a jamais fait partie de ces équipes canadiennes, malgré trois tentatives chez les seniors. Écœurée par son sport, elle avait pris sa retraite à l’âge de 21 ans.

« Ça a été difficile à avaler [de ne pas pouvoir faire partie du recours collectif] parce qu’il y a une ironie. La raison pour laquelle j’ai vécu certains abus et des troubles alimentaires, c’était pour entrer sur ces équipes-là. Et maintenant, le fait de ne pas avoir été sur ces équipes-là, c’est la raison pour laquelle je ne peux pas participer au processus pour obtenir justice dans cette histoire, raconte la Maskoutaine de 25 ans. Mais en même temps, c’est vraiment important d’être solidaires et de faire front commun. C’est excellent ce qui se passe. »

Lors de son dépôt, le recours collectif regroupait cinq anciennes membres de l’équipe nationale senior de natation artistique qui disent avoir été victimes d’abus psychologique, de négligence et de harcèlement, a d’abord rapporté Radio-Canada. Elles décrivent un environnement dangereux impliquant particulièrement quatre entraîneurs, soit Julie Sauvé – décédée en avril 2020 -, Gabor Szauder, Meng Chen et Leslie Sproule. Les deux dernières ont été suspendues dans les jours qui ont suivi, mais l’entraîneur-chef actuel de l’équipe nationale, Gabor Szauder, est resté en poste malgré l’enquête dont il fait l’objet. Près de deux semaines plus tard, il a été annoncé qu’il prenait un « congé personnel » en attendant le résultat de l’audience du panel disciplinaire.

La décision de NAC de ne pas suspendre immédiatement M. Szauder a profondément déçu Geneviève Peel, même si elle n’est « plus surprise de l’inaction continue de la fédération ».

« On voit toute la communauté de natation artistique qui se rallie pour dénoncer ça, que ce soit des nageuses, des entraîneurs, des parents de tous les niveaux et de toutes les provinces, et la fédération [canadienne] n’est pas capable d’embarquer dans le mouvement, de s’autocritiquer et de dire qu’il faut changer des choses », se désole l’ex-nageuse.

Elle salue toutefois les fédérations provinciales qui, en réponse au recours collectif, ont appelé NAC à faire des changements. « C’est rassurant de voir que certains niveaux organisationnels dans notre sport prennent la bonne direction et supportent les athlètes », poursuit-elle.

Elle estime par ailleurs que la mise en place du recours collectif légitime les témoignages entendus depuis quelques mois par différentes nageuses, dont le sien.

Son expérience

Alors qu’elle tentait de faire sa place sur l’équipe nationale senior, Geneviève Peel s’est fait reprocher de ne pas avoir le bon corps, qu’elle n’était pas assez grande ni assez mince. Les remarques sur son poids étaient fréquentes, ce qui a affecté sa santé mentale et l’a menée vers des troubles alimentaires.

« Mes expériences avec ces entraîneurs [visés par le recours collectif] ont été marquantes, bien que très courtes », se souvient Geneviève.

Ces contacts se sont surtout déroulés au centre national, où elle était invitée à s’entraîner à l’aube de ses essais pour intégrer l’équipe canadienne.

« J’ai passé un total d’environ 10 jours avec ces entraîneurs-là, plus spécifiquement avec Meng Chen. C’est elle qui m’a dit que je n’irais jamais sur l’équipe nationale, que je devrais arrêter d’essayer. »

La Maskoutaine se rappelle également qu’on avait, entre autres, mesuré la circonférence de ses cuisses lors de ces essais.

« Ma relation avec ces entraîneurs-là, c’est purement lié aux difficultés que j’ai eues avec les troubles alimentaires et la relation que j’avais avec mon corps », soutient-elle.

Le fait que ces histoires soient dévoilées au grand jour entraîne maintenant des répercussions sur les familles de ces athlètes, dont certains ignoraient tout de ces situations malsaines.

« Mes parents m’ont demandé s’ils auraient dû voir ça, s’ils auraient dû savoir que quelque chose n’allait pas, s’ils auraient dû me retirer de ce sport-là », raconte Geneviève Peel, en évoquant le sentiment d’impuissance ressenti par ses proches.

La jeune femme a toutefois tenu à réitérer n’avoir jamais vécu ce type d’abus lorsqu’elle nageait avec les Vestales de Saint-Hyacinthe, club où elle a fait ses débuts avant de se diriger vers Montréal pour poursuivre son rêve d’atteindre l’équipe nationale.

« Ça a vraiment été de belles années avec les Vestales. C’est un club qui est très axé sur le support de ses athlètes et sur le respect. Avec les Vestales, on a compétitionné au niveau élite les dernières années où j’étais là et c’est la preuve qu’il est possible d’avoir du succès et d’être un club performant tout en étant un milieu sain et sécuritaire. Je suis vraiment reconnaissante du temps que j’ai passé là », conclut-elle.

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