3 juin 2021 - 07:00
Hommage à Gilles Dumoulin (1927-2021)
Par: Le Courrier

À l’occasion des funérailles de l’abbé Gilles Dumoulin, le 27 mai, son frère Ray-Marc a livré un témoignage que nous reproduisons ici cette semaine, en l’honneur de celui qui a laissé sa marque à travers tout le diocèse de Saint-Hyacinthe.

La COVID-19 a limité à 25 le nombre de personnes dans un lieu de culte. Gilles aurait préféré une église remplie de fidèles, mais le destin en a voulu autrement. Le personnage que je vais vous présenter n’a laissé personne indifférent tout au long de sa vie.

J’ai peu connu Gilles au domicile familial. J’avais 6 ans quand il devient pensionnaire au Séminaire de Saint- Hyacinthe. Cette ville n’était pas complètement inconnue de notre famille. Nous y avions de la parenté ainsi qu’une sœur et une tante chez les Sœurs de la Présentation de Marie.

Je me souviens de lui comme un grand maigre avec des lunettes. En 1949, il entre au Grand Séminaire et moi, à l’externat classique de Granby dirigé par le Séminaire. Je découvre que j’ai un frère qui a fait sa marque dans le milieu. J’entre dans son monde à lui. Je deviens pour la vie le frère de l’autre.

Je me permets ici d’ouvrir une parenthèse : notre famille n’était pas riche, mais besogneuse et généreuse. Gilles et moi avons fait des études avancées entraînant des frais importants pour nos proches. Il nous fallait compter sur le support familial. J’aimerais saluer mes deux sœurs, Monique et Suzanne, encore vivantes, mais qui ne pouvaient être présentes à cause de leur état de santé.

Dans une famille de 11 enfants, vous apprenez la tolérance et le respect des autres. Ce principe, notre mère nous l’a appris au jour le jour en répétant continuellement : « Il n’y a pas de médaille assez mince pour n’avoir qu’un seul côté. » Elle ajoutait aussi que la meilleure preuve d’amour, c’est la présence. Gilles a su mettre en application les conseils de sa mère.

De son passage au séminaire, j’ai peu de souvenirs, si ce n’est qu’il travaillait avec l’abbé Charles-Émile Gadbois, à la bonne chanson. L’été, il s’occupait des terrains de jeu à Granby. En 1953, à la suite de son ordination, il est nommé auxiliaire au Séminaire de Saint-Hyacinthe. Gilles réalise rapidement que cette fonction n’est pas faite pour lui. Le supérieur de l’époque ne partageant pas la même philosophie de l’éducation, sa carrière au Séminaire prend fin rapidement.

À l’été 1954, on le retrouve vicaire à la paroisse Saint-Eugène de Granby. Il va maintenant travailler avec celui qu’on peut qualifier de père spirituel. De ce curé, il apprendra l’art de l’homélie ainsi que l’administration d’une paroisse. Être curé, c’est offrir des services de pastoral, mais c’est aussi gérer des argents, du personnel et des bâtisses. Gilles fait certainement référence à Mgr Dubuc quand il disait à ses paroissiens que les chandelles aident à prier, mais que la prière ne paie pas les chandelles.

Après Granby, il sera vicaire à Sorel avec Mgr Leclerc. Avec lui, Gilles côtoiera le grand monde tant politique que religieux. Il a adoré son passage à Sorel. Encore une fois, son départ fut un peu brutal. Le curé défendait à ses vicaires de se procurer une voiture sous peine d’avoir à quitter sa paroisse. Bientôt, on retrouvera Gilles à Saint-Hyacinthe avec sa voiture achetée à Sorel.

Il sera alors nommé aumônier d’école et responsable de la desserte Sainte- Monique. Ce n’est pas une vraie paroisse, mais il peut mettre en pratique ce qu’il a appris. Cette paroisse n’a pas de territoire, l’église est petite, mais bientôt, on y vient de partout pour participer à une liturgie vivante et près des gens. Il devient presque curé d’une presque paroisse dont les paroissiens ne sont pas vraiment les siens.

En 1972, on le retrouve à la paroisse de Richelieu. Gilles a toujours dit qu’il ne faisait pas de politique, mais il avait ses entrées chez le maire; on rapporte des discussions viriles avec son député, le Dr Lazure et son voisin immédiat, le syndicaliste bien connu Michel Chartrand. Malgré des vols répétés au presbytère, il a toujours refusé de cohabiter avec qui que ce soit… même pas avec un chien labrador, un protecteur potentiel.

En 1978, il devient curé de la paroisse Sacré-Cœur de Saint-Hyacinthe.

De la desserte de Sainte-Monique, il en avait fait une presque paroisse; de la paroisse du Sacré-Cœur, il en fera une presque cathédrale; ses cérémonies étaient courues par tous les Maskoutains et même par les gens de l’extérieur. En passant, Gilles n’a jamais accepté la démolition de cette église qu’il avait rénovée et tant aimée.

Il aurait préféré y rester plus longtemps, mais le Saint-Esprit mijotait d’autres projets pour lui. Il devient alors aumônier des Sœurs Saint-Joseph, poste qu’il occupera jusqu’au moment où la maladie l’empêchera de se rendre à la maison-mère.

Gilles était un missionnaire-guerrier, un peu comme ceux qui ont mis sur pied les croisades au Moyen-Âge. Il défendait avec acharnement sa foi, bien qu’il pouvait à l’occasion faire appel à la diplomatie pour atteindre ses objectifs.

Monseigneur, vous n’avez pas connu mon frère en fonction. Je crois que vous auriez admiré son travail et son charisme même s’il était responsable de quelques cheveux blancs des évêques qui l’ont côtoyé depuis près de 65 ans.

Gilles, ton évêque s’appelle St-Pierre maintenant. Je suis convaincu qu’il saura t’apprécier même s’il sait que tu lui causeras quelques soucis. Gilles, je retiens de toi qu’être soi-même est un gage de réussite.

Gilles, bon séjour, sois patient, on te rejoindra un jour.

Ray-Marc Dumoulin

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