Anita* a 80 ans et vit seule depuis le décès de son mari en 2004. Elle a des difficultés avec un de ses fils depuis longtemps et a fait appel aux services du Phare, un organisme qui soutient depuis 30 ans l’entourage de personnes souffrant d’un trouble de santé mentale, à plusieurs reprises avant l’arrivée de la pandémie.
« Des épreuves, j’en ai eu dans ma vie! Je remercie le Bon Dieu parce que je m’en suis toujours sortie », a raconté cette dame loin de correspondre aux stéréotypes qu’on peut s’imaginer des gens qui font appel à des ressources en santé mentale. Si les relations « en montagnes russes » avec son fils s’étaient un peu améliorées ces dernières années, elles se sont de nouveau détériorées depuis l’arrivée de la pandémie. « En ce moment, on ne se parle plus et je trouve ça très difficile », résume-t-elle.
Les tensions avec son fils s’ajoutent naturellement aux autres inconvénients de la dernière année que subit Anita. « Mon quotidien a été chamboulé du jour au lendemain. J’ai fait du bénévolat toute ma vie, mais j’ai dû limiter mes activités avec la pandémie. Ce que j’ai trouvé le plus dur a été de devoir demander de l’aide pour faire mon épicerie durant le premier confinement. »
Elle s’ennuie aussi de voir ses proches, dont ses petits-enfants qui se trouvent dans une autre région du Québec et qu’elle n’a pas vus depuis plus d’un an. « J’ai suivi les règles parce que je ne voulais pas attraper la COVID-19, mais j’ai vraiment hâte que ça achève pour que je puisse retourner voir du monde! »
« Je n’ai jamais eu honte de me faire aider », poursuit-elle, soulignant l’apport des différentes ressources dans la région maskoutaine qui l’ont aidée à passer à travers la dernière année. Elle s’est même adaptée à la réalité pandémique et a suivi des conférences présentées sur Zoom par Le Phare et la Maison de la Famille des Maskoutains. Elle a aussi récemment fait une demande de jumelage auprès du Trait d’union montérégien. « Je m’en suis sortie parce que je suis allée chercher les ressources nécessaires pour y arriver. Heureusement que ces organismes étaient là pour nous! Ce n’est certainement pas M. Legault qui m’a aidée dans la dernière année. »
Interventions plus complexes
Angelika Gil, directrice générale du Phare, a observé une certaine hausse des demandes dans la dernière année. « En santé mentale, ça vient beaucoup par vagues. On a surtout remarqué une hausse de la complexité des interventions. On soutient l’entourage des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, mais ces personnes ont été plus désorganisées elles aussi dans la dernière année à cause de l’anxiété », remarque-t-elle. Selon elle, l’entourage qui essaie de surprotéger un proche malade contribue à cette anxiété ambiante qui amène bien souvent les personnes atteintes à développer de nouvelles problématiques de santé mentale.
La réalité a été difficile autant pour les personnes malades que pour leurs proches, mais aussi pour les intervenants qui ne vivent pas dans un univers parallèle depuis un an.
« Ce n’est facile pour personne et la santé mentale de nos propres intervenants a été mise à l’épreuve dans la dernière année. On n’a pas toujours de solutions à donner aux personnes qui nous demandent de l’aide. Ce n’est jamais le fun de se faire dire ça, surtout quand on a de hautes attentes en nous appelant », poursuit Mme Gil. Elle précise qu’un intervenant à temps plein s’est ajouté à l’équipe du Phare dans la dernière année pour répondre à la demande.
Encore des tabous
Et même si la journée Bell Cause pour la cause est bien établie et que la question de la santé mentale a largement été sur la place publique en 2020, il reste beaucoup de chemin à faire pour défaire les tabous qui empêchent les gens de consulter.
« Au Phare, on aide encore trop peu de jeunes. Les gens en général ont tendance à attendre d’être en crise avant de chercher de l’aide pour la première fois plutôt que de prendre les choses en main tout de suite », déplore la directrice générale du Phare. Elle rêve de voir les jeunes sensibilisés aux questions de la santé mentale dès le primaire afin de déstigmatiser une fois pour toutes ces problématiques dans la société.
Et bien que l’on puisse espérer la fin de la crise sanitaire dans les prochains mois avec la distribution des vaccins contre la COVID-19, Angelika Gil se montre peu optimiste quant à la santé mentale de la population. « Je pense que même après la pandémie, ces problématiques resteront présentes et que la “bombe” va tomber un an ou un an et demi plus tard », craint-elle.
C’est pourquoi elle invite tous ceux qui ont des questions à appeler sans hésiter. « Ce n’est pas difficile de donner un coup de fil, mais c’est essentiel. Demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, au contraire. »
Elle invite aussi les gens à visionner une série de quatre émissions d’aide et de soutien en santé mentale, Le Phare, édition spéciale Covid-19, disponible sur la chaîne YouTube de NousTV, pour trouver des réponses à certains de leurs questionnements. « Dans cette émission, nos intervenants leur fourniront de l’information et les guideront vers des pistes de solutions. […] Cette émission permettra donc aux gens de mieux connaître les ressources disponibles, de s’informer et d’avoir des outils concrets », commente-t-elle.
Anita, de son côté, confirme les bienfaits d’avoir fait appel au Phare. « Ça m’a permis de voir que je ne suis pas la seule avec mon problème. Il faut faire confiance à la vie et ne pas avoir peur de demander de l’aide… Le téléphone existe, il ne faut pas hésiter à l’utiliser », insiste-t-elle.
Pour en savoir plus sur les services du Phare, il est possible de consulter son site www.lephare-apamm.ca.
*Prénom fictif