8 septembre 2011 - 00:00
« J’ai onze écoliers pour le latin »
Par: Le Courrier
Illustration du premier Collège situé sur la rue Girouard près de l’actuelle Cathédrale (Archives CHSH).

Illustration du premier Collège situé sur la rue Girouard près de l’actuelle Cathédrale (Archives CHSH).

Illustration du premier Collège situé sur la rue Girouard près de l’actuelle Cathédrale (Archives CHSH).

Illustration du premier Collège situé sur la rue Girouard près de l’actuelle Cathédrale (Archives CHSH).

Qui était l’abbé Antoine Girouard

C’est par cette petite phrase prophétique que l’abbé Antoine Girouard annonçait à son évêque Mgr Joseph-Octave Plessis, le 8 septembre 1811, la création d’un collège pour garçons dont nous célébrons aujourd’hui même les 200 ans d’existence. « Jamais, probablement, écrivait l’historien Mgr C.P. Choquette, le début d’une maison destinée à durer perpétuellement n’a été proclamé d’une façon plus modeste. N’importe, cette date est mémorable. »

Mgr Charles-Philippe Choquette avait connu les contemporains du fondateur et des anciens directeurs. Il avait recueilli leurs souvenirs sur la vie collégiale qu’ils avaient vécue comme il le raconte dans son Histoire du Séminaire de Saint-Hyacinthe tome 1, publié en 1911, à l’occasion du centenaire de l’institution. Les lignes qui suivent sont tirées de cette passsionnante mine de renseignements sur les débuts de cette grande maison d’éducation.

Qui était l’abbé Antoine Girouard

L’abbé Antoine Girouard est né à Boucherville, le 7 octobre 1762. Son père portait le même prénom et sa mère se nommait Marguerite Chapron. Son grand-père, qui se prénommait aussi Antoine, vint directement de France vers Montréal, vers 1718, à l’âge de 22 ans. Le jeune Antoine fit ses études classiques à Montréal et sa théologie à Québec.

Mgr Sabin Raymond décrivait M. Girouard comme « un homme d’une assez haute taille et d’une forte corpulence. Son teint était brun. Il avait un bel oeil, très expressif. Sa démarche était pesante. Il avait une grande dignité dans son attitude et ses manières; sa gravité inspirait le respect, en même temps qu’elle attirait par une grande expression de bienveillance. Sa parole était naturellement lente, mais toujours juste et correcte. Il tenait beaucoup à parler et à ce qu’on parlât selon toute l’exactitude grammaticale. L’imagination n’était rien chez lui; il était éminemment un homme d’action et de jugement ».L’abbé Girouard avait vécu au milieu des Acadiens de 1785 à 1790. Il avait entendu le récit de leurs infortunes; il les avait vus victimes d’une injustice. Il réalisait que seule l’éducation pourrait cultiver des énergies intellectuelles et morales et ainsi former des défenseurs de la patrie parmi ses compatriotes.En 1805, l’abbé Girouard est nommé à la cure de Saint-Hyacinthe. L’endroit, nommé plus communément Maska, était déjà un gros village situé sur la limite sud des seigneuries et juste au nord des cantons où le gouvernement venait de distribuer deux millions d’âcres de terre aux loyalistes anglais. Dès son arrivée à Saint-Hyacinthe, il a dressé dans sa tête le plan d’une maison d’enseignement supérieur. Les Seigneurs du district non seulement l’encouragent, ils le pressent d’ouvrir au moins une école élémentaire. Son ambition se porte plus haut, mais il lui faut faire le siège de l’autorité épiscopale. Mgr Plessis ne le désapprouve pas, mais le Collège de Nicolet vient d’être fondé, en 1804, et il ne voudrait pas lui faire ombrage.L’abbé Girouard a quelques ressources d’argent. De sa cure précédente à Pointe-aux-Trembles, il avait apporté « une couple de mille louis ».

Les premiers pas d’un collège

À ses débuts, l’école de M. Girouard avait été un « camp volant ». Il avait d’abord fait l’école dans la sacristie, puis dans la salle des habitants qui se trouvait dans le presbytère. « Les latinistes ne sont pas nombreux : tantôt onze, tantôt treize, puis cinq, six. » M. Girouard explique la pénurie d’élèves par les malheurs du temps et surtout par le fait qu’il ne peut ouvrir un pensionnat. Il avait bien acheté, en 1812, la maison Picard pour y prendre des pensionnaires et y faire des classes. Éventuellement, elle deviendrait une école de filles; cependant, lorsque la guerre de 1812 éclata, des régiments de soldats furent cantonnés à Maska. Ils occupèrent la maison Picard et ce n’est qu’en 1816 qu’elle fut libérée. Cette maison en bois de trois étages de 78 pieds par 36 pieds fut confiée par la suite aux Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame jusqu’en 1858, date où les Soeurs de La Présentation-de-Marie prirent la relève et elle devint le Couvent Lorette.C’est à l’automne 1812 que l’on vit apparaître les fondations du Collège. Auparavant, M. Girouard était entré en possession d’un terrain qu’il décrit comme suit à Mgr Plessis : « J’ai un arpent et quart et dix pieds de front sur un arpent et demi de hauteur. M. Debartsch et M. Dénéchau ont acheté la moitié de ce terrain pour me le donner pour cette bonne oeuvre; M. Delorme donne le reste ». Ce terrain était compris entre les rues Girouard, Saint-Dominique, Dessaulles et Hôtel-Dieu. C’est le site actuel de l’Évêché et la Cathédrale. Le bâtiment construit au cours des quatre années suivantes et béni le 25 octobre 1816, était en pierre, à trois étages, de 88 pieds de longueur sur 50 pieds de largeur, avec deux ailes en pierre aussi, à trois étages, chacune de 24 pieds carrés.

Le financement des études

Ce n’est pas d’hier que l’immobilier vint au secours du financement des études au Séminaire. Déjà en 1811, M. Girouard faisait l’acquisition de deux terres afin d’en tirer des revenus pour son collège : l’une d’elles de quatre arpents sur trente entre la rivière Yamaska et le boulevard Casavant actuel comprenait les terrains de chaque côté des avenues Dumesnil et Choquette et ceux du côté ouest de Désaulniers. Dans une lettre à son évêque, M. Girouard disait : « Les riches paieront une pension entière et raisonnable; les terres et les autres secours mettront en état de faire des grâces aux pauvres que les protecteurs entendent favoriser seuls ».

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