12 août 2021 - 07:00
Une majoration au goût amer pour les microdistilleries
Jonathan Robin craint pour l’avenir des spiritueux
Par: Jean-Luc Lorry
Propriétaire de la Distillerie Noroi à Saint-Hyacinthe, Jonathan Robin espère que le ministère de l’Économie abolira la majoration actuellement appliquée sur les spiritueux vendus directement sur le site de production. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Propriétaire de la Distillerie Noroi à Saint-Hyacinthe, Jonathan Robin espère que le ministère de l’Économie abolira la majoration actuellement appliquée sur les spiritueux vendus directement sur le site de production. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Composantes du prix de vente d’une bouteille de spiritueux de 750 ml vendue dans l’une des succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ). Source : SAQ – mars 2021

Composantes du prix de vente d’une bouteille de spiritueux de 750 ml vendue dans l’une des succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ). Source : SAQ – mars 2021

L’imposition par la Société des alcools du Québec (SAQ) d’une majoration de l’ordre de 50 % pour les microdistilleries du Québec lorsque celles-ci commercialisent leur gamme de spiritueux sur le lieu de fabrication est jugée inéquitable par les joueurs de cette industrie.

Cette surtaxe de 50,8 % est initialement appliquée à toutes les bouteilles de spiritueux vendues dans l’une des succursales de la société d’État afin de couvrir entre autres les frais de vente, de mise en marché et de distribution. Les distillateurs ne voient donc pas la pertinence de cette majoration lorsque le produit est vendu directement chez le producteur et que la société d’État n’a pas à assumer ces frais.

Parallèlement, brasseurs, producteurs de cidre et vignerons peuvent vendre leurs produits sur place sans devoir payer cette majoration qui vient réduire considérablement la marge de profit des distillateurs.

En mars 2019, l’homme d’affaires maskoutain Jonathan Robin a fondé la Distillerie Noroi dans le parc industriel Olivier-Chalifoux. Son entreprise s’est rapidement développée et propose aujourd’hui une vingtaine de spiritueux disponibles à l’usine ainsi que sur les tablettes de la SAQ comme du dry gin, de la liqueur d’orange ou de la vodka aromatisée.

« La seule façon de survivre est de pouvoir commercialiser nos produits sur place en complément de nos ventes à la SAQ sans devoir payer cette majoration. C’est le ministère de l’Économie qui a le gros bout du bâton dans ce dossier. Il doit nous donner de l’air, sinon il va y avoir des fermetures », indique Jonathan Robin, en entrevue téléphonique au COURRIER.

L’Union québécoise des microdistilleries demande expressément au gouvernement d’alléger sa réglementation pour les spiritueux vendus sur le lieu de production.

« Les microdistilleries sont maintenant partie intégrante du paysage de producteurs de boissons alcoolisées au Québec. Le gouvernement doit mettre fin à l’injustice s’il souhaite préserver l’industrie et son potentiel de développement économique et touristique. Plusieurs de nos membres sont à bout de souffle. La réglementation en place freine carrément leur développement et compromet leur avenir », indique dans un communiqué Jonathan Roy, président de l’Union québécoise des microdistilleries et propriétaire de la distillerie Fils du Roy située dans la région du Bas-Saint-Laurent.

Essor des microdistilleries

En plus de cette majoration, M. Robin estime que son entreprise a de la difficulté à se trouver une place sur les présentoirs de la SAQ à l’échelle du Québec en raison du développement rapide des distilleries.

La province compte actuellement plus de 60 établissements qui produisent des spiritueux, dont huit en Montérégie. Selon des chiffres annoncés derniè- rement par l’Union québécoise des microdistilleries, plus de 250 produits différents sont vendus, soit un nombre 12 fois plus élevé qu’en 2015. Entre 2019 et 2020, on note une augmentation des ventes de l’ordre de 87 %.

« Il y a trop de microdistilleries au Québec. Les espaces sur les tablettes ne sont pas élastiques. Les différentes succursales de la SAQ ont des choix à faire. Nos ventes sont affectées par le nombre de distilleries », observe Jonathan Robin.

Reconverti dans le domaine agroalimentaire, Jonathan Robin dirige et préside la Station Agro-Biotech, un incubateur industriel qui regroupe sous un même toit la microbrasserie Le Bilboquet, les breuvages Atypique, la Distillerie Noroi et la Distillerie du 29 octobre.

Faute de capacité de production et face à une compétition de plus en plus féroce, l’entrepreneur a dû arrêter la production de Fixit Kombucha et celle de l’eau tonique Littoral.

« J’ai décidé de miser sur les trois valeurs sûres qui assurent une croissance de l’entreprise comme les spiritueux, les prêts-à-boire alcoolisés et sans alcool et la bière de microbrasserie », justifie M. Robin.

Cap sur l’exportation

Pour assurer le développement de l’entreprise, Jonathan Robin et son équipe misent sur la carte de l’exportation. Dans la mire de la Station Agro-Biotech : les États-Unis, l’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard.

« Cela fait 18 mois que nous nous préparons pour exporter nos boissons. Les démarches sont très complexes pour le territoire américain. On a embauché un représentant aux États-Unis. On a signé des ententes avec différents distributeurs auprès de plusieurs États. Et cela prend aussi une entente avec un importateur », explique Jonathan Robin.

Localement, l’entreprise finalise actuellement un projet d’agrandissement qui représentera un investissement majeur. Les détails seront annoncés cet automne.

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