12 janvier 2023 - 07:00
Karine Sauvé bouscule les conventions du théâtre jeune public
Par: Maxime Prévost Durand
L’artiste interdisciplinaire Karine Sauvé, sur scène dans le cadre de sa pièce Chansons pour le musée. Photo Camille Gladu-Drouin

L’artiste interdisciplinaire Karine Sauvé, sur scène dans le cadre de sa pièce Chansons pour le musée. Photo Camille Gladu-Drouin

Karine Sauvé est une amoureuse du théâtre, de l’art contemporain, de la musique et de la performance. Elle partage aussi une connexion spéciale avec les enfants. Depuis près de 10 ans, la Maskoutaine mélange tout ça au sein de sa compagnie de production théâtrale Mammifères en bousculant les conventions du théâtre jeune public. Portrait.

Avec ses pièces éclatées et audacieuses, Karine Sauvé s’est rapidement forgé une place enviable dans le milieu jeune public. Le tout premier spectacle qu’elle a produit avec Mammifères, Les Grands-Mères Mortes, a récolté le prix de la meilleure production jeune public de l’Association québécoise des critiques de théâtre en 2015. La pièce Chansons pour le musée, avec laquelle elle est en tournée présentement, lui a aussi valu une nomination pour ce prix ainsi qu’une nomination par le Centre des auteurs dramatiques du Québec pour la meilleure pièce jeune public.

Véritable artiste interdisciplinaire, la Maskoutaine collabore à la conception et à l’écriture de ses pièces, en plus de monter sur scène pour chacune d’elles.

À travers son art, elle fait confiance à l’intelligence des enfants et à leur capacité à recevoir ce qu’ils voient et entendent. Elle trouve important de leur laisser de l’espace pour imaginer.

« J’aime les enfants. Je m’entends bien avec eux. J’aime leur énergie brute et leur spontanéité. J’aime communiquer avec eux. Je trouve que ça a une valeur sociale importante, cette rencontre intergénérationnelle à travers un échange par les arts et la poésie », affirme-t-elle en entrevue téléphonique avec LE COURRIER.

« En même temps, je tripe sur l’art contemporain, poursuit-elle. Des fois, on sent que c’est compliqué, l’art contemporain, sauf que c’est beaucoup dans le ressenti. Il n’y a pas de bonnes réponses. Ce sont les matériaux qui parlent. En ce sens, j’ai vraiment confiance que les enfants peuvent le recevoir. »

La formule, qui va au-delà de la perception que l’on peut avoir du théâtre jeune public, fait d’ailleurs ses preuves.

« À force de faire un théâtre un peu plus expérimental, je me suis fait une place [dans le milieu] avec Mammifères grâce à l’audace. C’était voulu pour moi de pousser un peu les murs de ce que ça veut dire le théâtre jeune public. Il se fait des choses éclatées en Europe, mais ici, on a des fois une idée préconçue de ce que ça devrait être et ça met un peu des ornières alors que ça devrait plutôt être reçu de manière à ouvrir l’esprit. »

Tracer son chemin

La passion du théâtre de Karine Sauvé a débuté lorsqu’elle était au secondaire, à la polyvalente Hyacinthe-Delorme. Elle a fait ses premiers pas au sein de la troupe de l’école, puis elle a joué au sein de la LAIT, une ligue d’improvisation théâtrale maskoutaine.

Après avoir essuyé un refus à l’École de théâtre, elle a plutôt suivi la formation en exploration théâtrale du Cégep de Saint-Hyacinthe avant d’enchaîner avec des études en scénarisation pour le cinéma, en dramaturgie pour le théâtre et en théâtre de marionnette contemporain.

« D’une certaine façon, je suis reconnaissante [de ne pas avoir été prise à l’École de théâtre] parce que je ne me sens pas comme une comédienne qui ferait de la télé, par exemple. Je suis contente de m’être inventé un chemin pour pouvoir faire ce que je fais aujourd’hui. C’est comme plein de savoirs réunis ensemble », analyse-t-elle.

Également animée par un amour de la musique, la Maskoutaine a notamment suivi des cours de piano avec la réputée professeure Madeleine Arel lorsqu’elle habitait à Saint-Hyacinthe, puis elle a étudié le chant en privé à son arrivée à Montréal.

« Je suis intéressée par mille choses. J’ai toujours fait de la musique, des arts visuels, du théâtre et de l’écriture. C’est l’élan [créatif] qui m’amène vers un médium », soutient-elle.

Pour pouvoir s’épanouir pleinement d’un point de vue artistique, elle a fondé sa propre compagnie, Mammifères, en 2013.

« Pour créer un langage qui m’est propre, c’était plus facile de faire des demandes de subventions en ayant une entreprise. Je ne rêvais pas à tout prix d’être une entrepreneuse, lance-t-elle en riant. Mais je suis contente du véhicule que ça m’a permis d’avoir. »

Un concert théâtral

Près de 10 ans après la création de sa compagnie, Karine Sauvé viendra enfin présenter l’une de ses pièces dans sa ville natale ce printemps.

Elle montera sur la scène du Centre des arts Juliette-Lassonde le 25 avril à l’occasion d’une représentation scolaire de Chansons pour le musée devant des élèves de secondaire 1 et 2. Pour le grand public, elle sera également de passage à Beloeil le dimanche 22 janvier à l’Arrière Scène.

Cette pièce est décrite comme un « concert théâtral déjanté » dans lequel le personnage de Karine-pas-Sauvé se retrouve seul dans une salle d’exposition à la suite de l’éclatement de son cocon familial. Pour l’aider à guérir sa peine, le « Psyquelette » lui prescrit d’observer les œuvres d’art qui s’y trouvent et de chanter devant celle dans laquelle elle se reconnaît le plus.

« Comment peut-on traverser une peine et est-ce que ça peut faire du bien d’être créatif pour la traverser? » Voilà la question à laquelle la pièce amène à réfléchir, raconte Karine Sauvé.

Sur scène, la Maskoutaine est accompagnée du musicien, bruiteur et « magicien sonore » Nicolas Letarte-Bersianik, un complice de la première heure.

Bientôt une pièce pour adultes

À la fin de la tournée de Chansons pour le musée, Karine Sauvé se lancera dans un tout nouveau projet : l’écriture d’une première pièce pour adultes qui sera intitulée Manège mou.

Le thème du deuil, qui a teinté ses deux premières productions pour jeune public, sera abordé sous un autre angle.

« Après la tournée, je vais aller en soins palliatifs pour faire un travail de médiation culturelle et rencontrer les gens dans l’accompagnement en fin de vie. Ça va nourrir l’écriture pour Manège mou. »

Cette nouvelle production sera « un concert rock en même temps qu’un théâtre de matière », indique l’artiste maskoutaine. La pièce sera d’abord diffusée au Théâtre Aux Écuries, à Montréal, en 2024.

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