À la fin février, il a enfin pu revêtir l’uniforme de Kiro pour aller visiter une école primaire de Beloeil durant toute une semaine. C’était la première fois depuis le début de la pandémie qu’il faisait un véritable spectacle devant des enfants.
« C’était plaisant. Ça m’a fait du bien, même si j’étais brûlé à la fin de la semaine », raconte Daniel Lussier en entrevue au COURRIER.
Il s’est toutefois buté à la nouvelle réalité, une réalité masquée et distancée. « Habituellement, quand je rentrais dans une classe, ça criait dès que je mettais le pied dedans. Là, rien. C’est comme s’ils se demandaient s’ils avaient le droit d’avoir du plaisir et de crier. Ça a fait un choc. C’était spécial. Je les entendais rire, mais je ne voyais jamais leur sourire, à part les élèves de maternelle qui n’avaient pas de masque. »
Les apparitions de Kiro Le Clown ont été rares dans la dernière année. Outre quelques « parades » dans différentes municipalités de la région et des vidéos mises sur les réseaux sociaux de temps à autre, Daniel Lussier n’a pas incarné son personnage très souvent. Carburant à l’interaction qu’il a avec son public, le Maskoutain n’a pas réussi à trouver son compte dans le virtuel.
« J’ai fait un peu de Zoom, mais même ça, je ne l’ai pas. Ça me prend du monde, ça me prend des rires », lance-t-il.
L’annulation de tous ses spectacles en tant que Kiro et de ses contrats comme animateur et DJ de mariages l’a grandement affecté. « Ça m’a atteint mentalement », confie-t-il à plusieurs reprises dans l’entrevue, disant craindre que ce qu’il a bâti depuis plus de 25 ans soit anéanti en raison de la pandémie.
Sans plan B ni aide financière, outre la PCU, Daniel Lussier a décidé de retourner à l’école l’an dernier. « Je n’avais pas le choix. J’avais zéro diplôme. [L’animation et Kiro], je fais ça depuis toujours, j’ai ça dans le sang. »
Il a suivi des cours en construction et œuvre depuis quelques mois dans ce domaine, dans l’espoir que ce ne soit que temporaire. « Je le fais encore, mais ça ne m’apporte rien personnellement », soupire-t-il.
En retournant sur les bancs d’école, il se retrouvait aux côtés d’adolescents et de jeunes adultes… qui connaissaient tous Kiro. « J’avais fait des ballounes à ces jeunes quand ils étaient petits », souligne le Maskoutain, pour qui la situation a été un grand choc.
En plus d’œuvrer dans la construction, Daniel Lussier a cumulé d’autres emplois dans les derniers mois, comme celui de déneigeur pour la Ville de Saint-Hyacinthe cet hiver et d’émondeur l’été dernier. Au début de la pandémie, il a aussi été engagé pendant une courte période de temps dans une résidence pour aînés de Saint-Hyacinthe, une expérience qu’il a appréciée, mais qu’il n’a pu poursuivre. « J’aimais ça parce que je pouvais les divertir. Ce n’est pas drôle pour eux non plus. Mais je ne pouvais pas leur prodiguer des soins, je ne l’ai pas, ce côté-là, alors j’ai dû laisser ma place. »
Comment entrevoit-il la suite pour Kiro? « Je n’arrêterai pas parce que j’aime ça, mais je ne sais plus [ce qui s’en vient] », laisse-t-il tomber.
Même s’il se fait plus discret, le clown maskoutain continue de recevoir plusieurs messages. « Je sais que les gens vont être là quand ça va repartir, la question est de savoir ce sera quand. »
Comme les grands rassemblements et les festivals – dont il était devenu un habitué – ne semblent toujours pas possibles dans un avenir rapproché, Daniel Lussier croit que la survie de Kiro pourrait passer par un retour à la base : les fêtes d’enfants.