12 septembre 2019 - 14:18
La biodiversité pour les Délices du Rapide
Par: Le Courrier
Cette méthode culturale appelée parfois « culture intercalaire » est une technique plus marginale que la culture conventionnelle intensive largement pratiquée dans la région maskoutaine. Elle favorise la diversité et limite grandement l’appauvrissement des sols. Cette technique aide à maintenir le sol en santé puisque plusieurs types de végétaux puisent différents minéraux à des moments distincts durant la saison de croissance. Photo Hélène Brien | MRC des Maskoutains  ©

Cette méthode culturale appelée parfois « culture intercalaire » est une technique plus marginale que la culture conventionnelle intensive largement pratiquée dans la région maskoutaine. Elle favorise la diversité et limite grandement l’appauvrissement des sols. Cette technique aide à maintenir le sol en santé puisque plusieurs types de végétaux puisent différents minéraux à des moments distincts durant la saison de croissance. Photo Hélène Brien | MRC des Maskoutains ©

Hélène Brien et Marc-Antoine Pelletier. Photo Hélène Brien | MRC des Maskoutains ©

Hélène Brien et Marc-Antoine Pelletier. Photo Hélène Brien | MRC des Maskoutains ©

Marc-Antoine Pelletier. Photo Hélène Brien | MRC des Maskoutains ©

Marc-Antoine Pelletier. Photo Hélène Brien | MRC des Maskoutains ©

En collaboration avec la MRC des Maskoutains, Le Courrier présente une série d’entrevues réalisées avec une dizaine de producteurs agricoles qui ont participé à la 2e édition du projet Le photographe est dans le pré. Ils étaient jumelés avec des photographes du Club Photo Saint-Hyacinthe. Par leurs images, ils devaient valoriser le travail de ces agriculteurs qui s’appliquent à préserver la biodiversité de leur milieu de vie et de travail. Marc-Antoine Pelletier a accueilli chez lui la photographe Hélène Brien.

Marc-Antoine Pelletier a presque toujours vécu sur la terre ancestrale de sa famille, au Rapide-Plat. Il est de la 5e génération sur la ferme. Ses études en génie mécanique à Sherbrooke l’ont tenu à l’extérieur pendant 8 ans, puis il est retourné graduellement à la terre, en 2014, puis définitivement, en 2016, à la suite du décès de son père. Il était déjà en emploi, à temps plein, alors il avoue que ce fut une grosse décision à prendre.

Sur cette terre de 32 hectares, on fait la culture biologique du maïs, du soja et du seigle en bandes alternées, depuis plus d’une décennie. Marc-Antoine Pelletier continue dans cette voie, en parallèle avec le développement de la camerise, un petit fruit émergent au Québec.

Quelles actions avez-vous posées pour améliorer la biodiversité sur vos terres?

« En étant biologique, d’emblée on vient mettre des zones tampons de 8 mètres tout le tour de nos champs pour prévenir la contamination. » Marc-Antoine rappelle que son père avait créé des zones de fauche avec du trèfle qui favorisait la pollinisation, mais il veut faire davantage. « En mettant des vivaces sans faucher systématiquement, un habitat va se créer. Puis, on va incorporer des arbustes, pour étendre la floraison afin que les pollinisateurs aient de la nourriture jusqu’à l’hiver. »

M. Pelletier compte établir de nouvelles zones florales un peu partout sur ses terres afin d’obtenir une flore et une faune diversifiées pour la pollinisation des vergers de camerise. Pour le contrôle des insectes et autres ravageurs, il veut accueillir des oiseaux en installant des nichoirs à hirondelles bicolores et à chouettes rayées. Il disposera aussi des dortoirs à chauve-souris et des « hôtels » à insectes pour les pollinisateurs indigènes.

Il avait déjà tous ces projets en tête avant de siéger sur le Comité de bassin versant du Ruisseau des Salines (CBVRS). Mais avec le CBVRS, il s’est aperçu qu’il avait à sa disposition des outils pour concrétiser ses projets d’autant plus qu’en 2017, avant même les propositions du CBVRS, il avait commencé une haie brise-vent qu’il a complétée cette année.

Quels bénéfices tirez-vous de toutes ces actions?

« Avec les haies brise-vent, le but principal était de limiter l’érosion éolienne qui était un facteur assez important. Dans un deuxième temps, la haie vient aider la pollinisation pour que les abeilles et les bourdons puissent travailler même lors des journées venteuses. Côté arbustes et fleurs, c’est vraiment pour aider la pollinisation, étant donné que la flore augmente le potentiel de pollinisateurs indigènes. Oui, on installe des ruches pour nous aider, mais si on peut avoir une base de pollinisateurs, ça favorise une augmentation de rendement. Aussi, ça permet une biodiversité globale qui amène tous les alliés qu’on peut avoir de notre côté. »

Comment faites-vous pour obtenir un maximum de rendements tout en protégeant l’environnement?

« Il y a toujours le mythe qu’en allant en culture biologique, il y a automatiquement une diminution de rendement. Mon père a su déboulonner ce mythe en ayant des rendements au-dessus de la moyenne pour les grandes cultures ». Pour la camerise, M. Pelletier se dit rassuré parce que, selon lui, la plupart des producteurs de camerise ont des pratiques assez écologiques, même si leur entreprise n’est pas certifiée biologique.

Il affirme que, dans les deux cas, on peut avoir de bons rendements à condition de contrôler les « mauvaises herbes ». Et pour désherber, comme l’explique Marc-Antoine, « c’est beaucoup de jus de bras, malheureusement ». Des copeaux de bois sont utilisés à la base des plants, ce qui limite beaucoup le développement de toutes les herbes indésirables. Aussi, les allées sont sur des toiles géotextiles.

M. Pelletier n’est pas près d’engager de la main-d’œuvre étrangère, mais il a l’impression qu’il n’aura pas le choix éventuellement. « C’est une facette complètement nouvelle pour nous étant donné qu’on était habitués dans les cultures traditionnelles où tout est mécanisé. »

Le jeune producteur mentionne que la rentabilité est souvent un sujet de débat dans les comités de bassin versant, à cause des réglementations à respecter, pour les bandes riveraines, par exemple. Selon lui, les calculs sont concluants. Dans un mètre de bande riveraine avec deux ou trois rangs de culture en moins, on parle tout au plus de quelques centaines de dollars de « perte », sauf qu’en contrepartie, « il n’y a pas d’érosion pour gruger ce mètre de terre qui éventuellement serait perdu à tout jamais ».

Comment voyez l’avenir de l’agriculture en lien avec la protection de la nature?

« Je pense que, tôt ou tard, il va falloir se pencher là-dessus et déjà cela fait partie des sujets d’actualité. On voit que les gens veulent retourner aux valeurs de fermes de proximité. J’ose espérer que ce n’est pas seulement une mode. Au final, c’est la population qui va décider. On commence à voir que les sols deviennent saturés avec les pesticides et les engrais qui sont utilisés. Il y a sûrement moyen pour que chacun puisse tirer son épingle du jeu. »

M. Pelletier est d’avis que, pour les petites fermes, il faut miser sur des marchés de niche. Il pense au chia, par exemple, qui, avec la camerise, pourrait être un autre délice issu du Rapide-Plat.

Par Micheline Healy

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