Pourquoi lui affubler le qualificatif de stratégique? Parce qu’on ne parle pas d’une simple terre en culture perdue en pleine Technopole agroalimentaire, mais d’un lopin de terre susceptible de permettre un jour, avec la bénédiction de la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ), l’agrandissement du parc industriel Théo-Phénix.
Mieux, cette parcelle de terre de 5,5 hectares pourrait, dans l’éventualité d’un nouveau zonage bien sûr, contribuer à désenclaver un terrain voisin de 38 hectares qui appartient déjà à la Ville de Saint-Hyacinthe et dont le zonage actuel, par droit acquis, pourrait contribuer à repousser les limites du parc industriel.
Mais encore faut-il pour cela pouvoir rejoindre le rang Saint-André, ou si vous préférez la route 235, qui passe tout près. L’un des deux seuls obstacles se trouve à être cette belle terre agricole dont il a entre autres été question dans le dossier de l’implantation de l’usine Exceldor à Saint-Hyacinthe et toute la saga qui a occupé la Ville, la MRC des Maskoutains, l’UPA et la CPTAQ dans un passé récent.
L’autre obstacle de taille : la CPTAQ, bien évidemment.
Toujours est-il que le propriétaire cherche maintenant à se départir de sa terre. Avec l’aide de son courtier, il a fixé son prix à 1,5 M$, considérant son fort potentiel industriel. Tout est une question de potentiel dans ce dossier, et cette terre, vu sa position géographique, n’en est certes pas dépourvue. Les huîtres ont toutes le potentiel d’abriter des perles, mais elles ne se vendent pas au prix des bijoux.
Ce prix de 1,5 M$ paraît gros si on compare des pommes avec des pommes en regard du prix des terres agricoles dans le secteur, mais le vendeur précise que le prix de vente est nettement en deçà de la valeur des terrains industriels à proximité. Son prix tourne autour de 28 $ le mètre carré, alors que le prix de vente des terrains industriels dans le parc Théo- Phénix était de 38 $ le mètre carré en 2023.
Cela dit, je ne blâme aucunement le vendeur de chercher à obtenir le prix maximal possible pour son actif et de tester ainsi le marché. Il n’y a rien d’illégal ou d’immoral à ça. Même que je ferais la même chose à sa place, considérant ce que j’ai à offrir et son fameux potentiel. Et je contacterais bien entendu la Ville de Saint-Hyacinthe pour connaître son intérêt. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait. La Ville nous a répondu qu’elle savait que ce terrain était sur le marché, mais qu’elle n’était pas intéressée. Évidemment, nous ne sommes pas devant un tribunal et la Ville n’a pas à nous dire toute la vérité.
J’aimerais tout de même penser qu’elle y a réfléchi sérieusement, car c’est une opportunité qui ne se présente pas tous les jours. Dans 5, 10 ou 25 ans, elle pourrait regretter de ne pas avoir donné suite à cette proposition, voire tenter de négocier le prix à la baisse. Surtout si un acheteur privé arrive du champ gauche et réussi à obtenir une autorisation de la CPTAQ qui vaudrait son pesant d’or.
Trop serrée financièrement, la Ville n’a peut-être pas 1,5 M$ à dépenser pour un futur incertain ou dans l’espoir de. Et elle n’est sans doute pas si pressée de se frotter à nouveau à l’UPA devant la CPTAQ . On la comprendrait.
Car même si le futur acheteur de cette terre aura des arguments intéressants à soumettre au chien de garde du territoire agricole, comme le fait qu’elle se trouve coincée entre une zone blanche et une zone industrielle et qu’un changement de zonage favorable ne serait que le prolongement logique et naturel du parc industriel, on peut présumer que l’UPA voudra en découdre avec lui.
Il est bien entendu risqué de parier sur la réponse de la CPTAQ, qui a tendance à nous surprendre. Elle a fini par accorder 10 hectares de bonne terre agricole pour permettre la construction de l’usine Exceldor, mais elle s’oppose au déménagement des Encans de la ferme de Saint-Hyacinthe à Saint-Simon, sur un site bien peu propice à l’agriculture, selon bien des observateurs, sauf l’UPA.
Selon votre profil d’investisseur et votre attrait pour les jeux de hasard, voilà donc un achat qui pourrait être payant… ou bien frustrant.