10 septembre 2020 - 14:32
Formation en médecine vétérinaire
La brèche rimouskoise
Par: Martin Bourassa
Ainsi donc le gouvernement du Québec, par l’intermédiaire du ministère de l’Enseignement supérieur, allongera la somme de 630 000 $ afin de réaliser une étude de faisabilité visant à offrir le programme de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal à l’Université du Québec à Rimouski. Permettez que nous ne sautions pas de joie à l’idée de voir briser le monopole qui jusqu’ici faisait de Saint-Hyacinthe le passage obligé, pour cinq ans de formation, des vétérinaires en devenir au Québec.

Cette annonce n’est pas nécessairement à classer dans les bonnes nouvelles du jour pour Saint-Hyacinthe. La brèche apparaît clairement à l’horizon.

Si l’étude devait être concluante, cela signifiera possiblement une dilution de l’expertise, des ressources humaines et financières ainsi que des investissements entre le navire amiral de la Faculté de médecine à Saint-Hyacinthe et son satellite de Rimouski.

Ce pied-à-terre vétérinaire en région, il faudra bien l’alimenter et l’entretenir un peu si l’on veut qu’il donne des résultats, non? Des choix qui n’existent pas actuellement devront donc être faits par l’université et la faculté, même si on nous assure que l’idée derrière tout cela n’est pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Ce qui est étonnant, c’est que 24 heures avant la conférence de presse officialisant la réalisation imminente de l’étude de faisabilité, nous ignorions tout de ce qui se tramait en coulisses à propos de la volonté de l’Université de Montréal de transplanter une partie de la formation vétérinaire en région. Les acteurs de la région ont-ils été consultés?

Officiellement, on présente la création du satellite rimouskois comme le moyen de répondre au problème de recrutement et de rétention de médecins vétérinaires en région où la pénurie est présente un peu partout. La création d’un programme de formation décentralisé permettrait de former 25 étudiants annuellement, qui s’ajouteront à la centaine environ qui commencent leurs études à Saint-Hyacinthe.

Si on s’en tient aux chiffres des admissions, Saint-Hyacinthe ne perd rien au change, c’est vrai. Mais il aurait pu être intéressant d’investir dans une étude de faisabilité pour accroître notre capacité d’accueil plutôt que de diluer la soupe. N’aurait-il pas été possible d’ajouter ces 25 étudiants chez nous, voire de rêver à un nouveau pavillon ou campus au cœur d’un véritable Quartier des études supérieures? Au lieu de diviser, on aurait peut-être pu consolider et développer à partir de ce qui existe déjà.

À notre avis, il est loin d’être acquis que le fait d’inciter un futur vétérinaire à passer trois ans à Rimouski et ses deux dernières années de formation à Saint-Hyacinthe lui donnera forcément envie de pratiquer sur la Côte-Nord, en Gaspésie ou en Abitibi-Témiscamingue.

Personnellement, j’ai étudié trois ans à Jonquière, le seul endroit au Québec où la formation collégiale en journalisme se donnait à l’époque et encore aujourd’hui. Il en est ainsi depuis 50 ans et les gens là-bas se sont toujours battus férocement pour conserver cette exclusivité souvent contestée dans les grands centres. Et brèche, il n’y a jamais eu au Royaume des bleuets et de la grosse bière. Et vous savez quoi? Malgré mes trois années passées là-bas, j’ai toujours œuvré dans ma région natale. Tiens, il y a peut-être ici une piste intéressante à explorer.

Faudrait-il considérer (un peu ou davantage) le lieu d’origine ou de résidence des candidats au moment de traiter les demandes d’admission en médecine vétérinaire, un programme fortement contingenté où le dossier académique est d’une importance capitale? Et tant qu’à réfléchir à haute voix, il est aussi permis de se demander si la solution à la pénurie actuelle ne passe pas tout simplement par une hausse des admissions, une sélection plus diversifiée et des conditions de pratique plus alléchantes en région.

J’ose croire que la décision de l’Université de Montréal et de Québec a été soigneusement réfléchie, mais j’ai comme le sentiment que nos décideurs locaux ont tous été placés devant le fait accompli. J’espère me tromper.

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