16 février 2023 - 07:00
Décès de Jérémy Desrosiers
La coroner confirme l’utilisation du cellulaire au volant
Par: Adaée Beaulieu
Jérémy Desrosiers est décédé le 24 octobre 2021 sur la route 116 ouest à Sainte-Marie-Madeleine lorsqu’un automobiliste a heurté l’arrière de son cyclomoteur. Photothèque | Le Courrier ©

Jérémy Desrosiers est décédé le 24 octobre 2021 sur la route 116 ouest à Sainte-Marie-Madeleine lorsqu’un automobiliste a heurté l’arrière de son cyclomoteur. Photothèque | Le Courrier ©

Nancy Graveline, la mère de Jérémy Desrosiers, ce jeune Maskoutain décédé le 24 octobre 2021 après qu’un véhicule utilitaire sport eut frappé par l’arrière son cyclomoteur sur la route 116 ouest à Sainte-Marie-Madeleine, a été profondément frustrée et ébranlée en lisant le rapport de la coroner Lyne Lamarre sur le décès de son fils rendu public le 3 février.

Celui-ci démontre clairement que le conducteur fautif a utilisé son cellulaire avant et pendant la collision. Pourtant, la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’a porté aucune accusation contre lui. Mme Graveline croit aussi que la recommandation d’augmenter les opérations policières pour le contrôle du cellulaire au volant ne changera rien à ce fléau de société.

D’entrée de jeu, Nancy Graveline a rappelé son énorme mécontentement quant à l’inaction du DPCP. La procureure qui a pris la décision de ne pas judiciariser le dossier l’a rencontrée pour l’en informer et lui a soulevé que l’utilisation du cellulaire au volant au moment de la collision ne pouvait pas être prouvée hors de tout doute raisonnable. Les faits relevés par la coroner confirment que le cellulaire a été déverrouillé manuellement, puis est resté allumé pendant 42 secondes. Toutefois, puisque les cellulaires se barrent automatiquement après 30 secondes d’inutilisation, il n’est pas possible de savoir si la collision a eu lieu au cours des 12 secondes pendant lesquelles il est certain que le chauffeur l’utilisait.

« Ce que je sais hors de tout doute par contre, c’est que mon fils est décédé », a lancé avec ironie et hargne Nancy Graveline en entrevue au COURRIER.

Malgré l’incompréhension face à la décision de la procureure, la sergente Audrey-Anne Bilodeau de la Sûreté du Québec confirme la difficulté de prouver l’utilisation du cellulaire. Simplement pour l’émission d’un constat, un policier ou un témoin doit avoir vu l’infraction. Dans ce cas, il n’y en avait aucun et il ne semble pas y avoir eu d’émission de constat puisque le dossier du conducteur est vierge autant du côté criminel que pénal au palais de justice de Saint-Hyacinthe, a pu constater LE COURRIER.

Pourtant, le rapport de la coroner est clair sur l’utilisation du cellulaire avant, pendant et après la collision survenue à 18 h 21. « L’enquête policière démontre que de 18 h 19 à 18 h 20, l’écran du cellulaire du conducteur est ouvert manuellement à l’application des SMS; qu’entre 18 h 21 (et 4 secondes) et 18 h 21 (et 15 secondes), l’écran s’ouvre et se ferme plusieurs fois; qu’à 18 h 21 (et 15 secondes), le conducteur fait un appel de 8 secondes à un proche; et qu’il appelle au 911 à 18 h 21 (et 36 secondes). Le rapport de la coroner mentionne que la cause de la collision routière est attribuable à la distraction du conducteur du véhicule utilitaire sport causée par l’utilisation du cellulaire au volant », peut-on y lire.

« Tout le monde le sait qu’il était sur son cellulaire. Le rapport le montre », a commenté Mme Graveline.

D’ailleurs, le rapport mentionne qu’« aucune trace de freinage ni de dérapage provenant du véhicule utilitaire sport n’est observée par le reconstitutionniste avant l’impact ».

« Un proche déclare que le jeune Jérémy quitte le domicile familial le 24 octobre 2021, vers 18 h 10. À ce moment, le proche déclare avoir vu le jeune Jérémy porter son casque et son dossard muni de bandes réfléchissantes par-dessus son manteau. Le dossard du jeune Jérémy est trouvé à proximité de son corps », est-il aussi écrit.

« Jérémy conduisait prudemment et il avait son dossard. Il était sur la coche. Il [le chauffard] ne l’a jamais vu. Il n’a jamais freiné. Une distraction de une ou deux secondes, ça se peut, mais là, ce n’était pas le cas », a affirmé Mme Graveline.

Pas de collaboration du chauffeur fautif

Nancy Graveline a raconté que le chauffeur s’est pris un avocat et n’a jamais voulu collaborer à l’enquête policière. Elle a simplement entendu dire qu’il aurait voulu la rencontrer, mais elle aurait refusé de toute façon.

Pour ce qui est du témoignage du conducteur, le rapport indique brièvement qu’il aurait abordé le sujet de l’utilisation du cellulaire sans s’incriminer totalement. « Des policiers rapportent qu’à leur arrivée sur les lieux, le conducteur du véhicule utilitaire sport mentionne spontanément : “J’ai juste regardé vers ma console centrale, pis quand je me suis levé la tête, ça a fait boom.” Il aurait aussi rapporté avoir été distrait par son cellulaire », détaille le rapport.

« Il a voulu se sauver les fesses », a commenté avec colère Mme Graveline.

Un risque lourd de conséquences

Selon Mme Graveline, il faudrait des mesures plus drastiques que l’augmentation des opérations policières comme recommandé par la coroner, car les policiers ne peuvent pas être assis dans les voitures à surveiller les conducteurs. « Il faut travailler sur la conscience des gens, car nous avons tous une responsabilité à prendre quand nous conduisons. »

« Il y a déjà eu des accidents et il y en aura d’autres. Ce monsieur ne pensait pas prendre la vie de quelqu’un, mais il a pris un risque et, à cause de cela, mon fils est décédé », a-t-elle conclu.

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