16 février 2023 - 07:00
La crise du logement perdure dans la région
Par: Sarah-Eve Charland
Daniel Rondeau presse la Ville de Saint-Hyacinthe à agir face à la crise du logement. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Daniel Rondeau presse la Ville de Saint-Hyacinthe à agir face à la crise du logement. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Les solutions proposées pour remédier à la crise du logement touchent souvent les plus vulnérables ou encore les plus riches, à défaut d’offrir des logements accessibles pour la classe moyenne, selon Daniel Rondeau, un acteur du milieu communautaire. Il interpelle Saint-Hyacinthe et les autres municipalités autour afin qu’elles prennent leurs responsabilités et qu’elles mettent en place des solutions hors des sentiers battus.

Son passé dans le milieu communautaire a amené M. Rondeau à dresser un portrait défaitiste de la crise du logement. Avec Pier-Alexandre Nadeau-Voynaud, il a rédigé un mémoire sur une base personnelle en se dissociant de tout organisme. Ce document sera remis prochainement à la Ville de Saint-Hyacinthe.

« Notre mémoire propose quelque chose pour la classe moyenne. On veut éveiller les élus et les institutions locales. La crise du logement ne concerne pas juste les assistés sociaux, mais une bonne partie de la population. Comme il n’y a pas de regroupement qui représente la classe moyenne, on a écrit ce mémoire », affirme M. Rondeau.

Cette démarche coïncide avec les nouvelles données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) qui dresse un portrait 2022 légèrement plus positif que 2021. Le taux d’inoccupation a grimpé à 2 %, s’approchant tranquillement du taux de 3 % considéré comme un marché locatif équilibré. Le prix des loyers a toutefois augmenté d’au moins 10 % pour tous les types de logements. En 2019, le taux d’inoccupation était descendu aussi bas que 0,4 %.

Selon les données de la SCHL, le nombre de logements a augmenté de 8 % à Saint-Hyacinthe. Au cours de la dernière année, on comptait 8429 logements, incluant les studios et ceux à une ou plusieurs chambres.

Mais pour les rédacteurs du mémoire, c’est loin d’être suffisant. À moins d’être admissible à des logements subventionnés, la majorité de la population doit se frotter au règne du libre-marché. Alors que la demande supplante l’offre, les propriétaires y sont toujours gagnants.

La moyenne de prix des logements à deux chambres a augmenté de 12,9 %. En 2022, le prix moyen était de 940 $ par mois. Ce sont les logements à une chambre qui ont connu la moins grande variation, soit 11 %, pour atteindre 795 $. Les studios sont la catégorie de logement ayant connu la plus grande hausse. Le prix moyen est passé de 502 $ en 2021 à 590 $ en 2022, soit une hausse de 17,5 %.

« Il y a eu de nombreuses constructions de logements luxueux. Avec la hausse des taux d’intérêt, ça fait en sorte qu’il y a moins d’acheteurs. Ils reviennent dans le marché locatif. Les logements abordables et familiaux ne se sont pas beaucoup développés. Il y a des nouvelles unités, mais elles ne correspondent pas nécessairement aux besoins sur le terrain », mentionne Daniel Rondeau.

L’arbre qui cache la forêt

La coordonnatrice de l’organisme Logemen’mêle étant indisponible, Pier Alexandre Nadeau-Voynaud a accepté de répondre à quelques questions sur les nouvelles données de la SCHL, au nom de l’organisme et non en tant que rédacteur du mémoire.

Même si les statistiques laissent présager une amélioration, il n’en est rien, selon M. Nadeau-Voynaud. Par exemple, le nombre de locataires qui payent plus de 30 % de leur revenu pour se loger a diminué un peu entre 2016 et 2021 dans la région de Saint-Hyacinthe, mais cette statistique témoigne davantage d’un exode des locataires moins nantis que d’une réelle amélioration, souligne-t-il.

« Ce n’est pas parce que les gens ont eu des hausses de salaire, c’est parce que les gens sont partis de la région. Ils n’arrivent pas à se trouver quelque chose près des points de services à Saint- Hyacinthe ou dans la MRC. […] La construction de logements ne suffit pas, il y a la question du prix. C’est difficilement accessible, même pour moi. Je n’ai pas souvent vu des prix diminuer. Ça va demeurer un problème auquel il va falloir s’attarder de manière concertée et structurée », dit-il.

Selon M. Nadeau-Voynaud, le phénomène des « rénovictions » contribue aux hausses des loyers. Ce phénomène qui touchait principalement Montréal il y a deux ou trois ans s’est maintenant répandu un peu partout en Montérégie, même à Saint-Hyacinthe.

« Au lieu de sortir temporairement le locataire du logement, les propriétaires se tournent tout de suite vers l’éviction. Des fois, ils ne respectent même pas le délai réglementaire de six mois. Certains sont prêts à donner des montants d’argent pour inciter les locataires à quitter rapidement. De nombreux locataires vivent une grande pression », ajoute M. Nadeau-Voynaud.

Les villes doivent agir

Même en atteignant l’équilibre du 3 %, il est improbable que le prix des loyers diminue, s’inquiète aussi M. Rondeau. « On nous répond souvent que les municipalités attendent après des subventions des autres paliers de gouvernement, que ça passe par les logements sociaux, mais la crise est plus large. La Loi [sur l’aménagement et l’urbanisme] donne la responsabilité aux municipalités d’intervenir, mais elles en le font pas, peut-être par habitude », ajoute-t-il.

Le mémoire propose donc la création d’un bureau intermunicipal qui engloberait les territoires des MRC des Maskoutains et d’Acton. Cette entité, gérée par les maires, s’occuperait d’appliquer l’orientation générale des investissements sur le territoire soit en soutien logistique ou en soutien financier.

Le bureau pourrait gérer certaines mesures fiscales visant à financer un fonds d’investissement. Ce fonds d’investissement pourrait, par exemple, donner une mise de fonds à des promoteurs afin de réduire les coûts d’acquisition et de construction. Cette somme serait récupérée au moment de la revente des bâtiments, avec une majoration de sa valeur, à l’image du programme Incitatif à l’achat d’une première propriété du gouvernement du Canada.

Les rédacteurs vantent également des initiatives comme celles d’Interloge, un organisme à but non lucratif, qui construit des immeubles mixant des unités de logement subventionné et des unités aux prix médians. Interloge planche actuellement sur un projet situé au centre-ville de Saint-Hyacinthe.

« Ça peut être des plus petits projets. Ça peut être un immeuble qui a une partie des logements en partenariat avec une résidence privée pour aînés (RPA). Il y a une panoplie de solutions possibles », assure M. Rondeau.

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