2 mars 2023 - 07:00
Usine de biométhanisation et digestat
La députée veut rassurer les agriculteurs
Par: Sarah-Eve Charland
La Ville de Saint-Hyacinthe doit trouver une alternative pour disposer de son digestat, la matière qui résulte de la transformation des matières organiques en gaz naturel à son usine de biométhanisation. 
Photothèque | Le Courrier ©��

La Ville de Saint-Hyacinthe doit trouver une alternative pour disposer de son digestat, la matière qui résulte de la transformation des matières organiques en gaz naturel à son usine de biométhanisation. Photothèque | Le Courrier ©

Il n’y a pas lieu de s’inquiéter sur le digestat produit à l’usine de biométhanisation de Saint-Hyacinthe, estime la députée de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy. Le gouvernement du Québec se prononcera dans le dossier au cours des prochaines semaines, mais compte surtout légiférer sur l’épandage des boues d’épuration étrangères.

Dès qu’elle a appris la nouvelle indiquant que la Ville de Saint-Hyacinthe n’arrive plus à disposer de son digestat auprès des agriculteurs, la députée a pris le dossier en main, assure-t-elle. Elle a téléphoné à la directrice générale de la Ville de Saint-Hyacinthe, Chantal Frigon, et a transmis les analyses réalisées sur la composition du digestat au ministère de l’Environnement.

Pour ce qui est du digestat produit à Saint-Hyacinthe, Mme Soucy tient à rassurer les agriculteurs. « À Saint-Hyacinthe, on utilise des produits d’ici. Il n’y a pas de boues étrangères. C’est un dossier complexe. Le digestat qui provient de l’usine maskoutaine n’a rien à voir avec la boue américaine. Les usines qui produisent des PFAS sont situées aux États-Unis. Le Québec n’a aucune usine qui produit ce type de polluants émergent », affirme-t-elle.

Depuis la diffusion l’automne dernier de reportages de La Semaine verte et d’Enquête sur l’épandage de boues municipales, les agriculteurs de la région ont annulé leurs commandes de digestat produit à l’usine de biométhanisation de Saint-Hyacinthe, craignant la présence de PFAS dans les boues d’épuration. Les PFAS sont des substances chimiques synthétiques qui peuvent repousser l’eau et les huiles. Les PFAS persistent dans l’environnement et peuvent s’accumuler au fil du temps.

La Ville de Saint-Hyacinthe s’est donc retrouvée avec des tonnes de digestat à se départir. La Ville a payé 171 246 $ pour transporter le digestat et en disposer. Englobe Environnement a confirmé au COURRIER que la matière issue du processus de biométhanisation sera gérée, traitée et valorisée pour produire du compost et des terreaux au centre de compostage de Saint-Henri-de-Lévis.

Pas de comparaison à faire

Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, dit comprendre le refus des agriculteurs, mais estime que la crainte générale a été exagérée. Dans les reportages diffusés par Radio-Canada, on y rapportait que des agriculteurs américains avaient tout perdu après avoir eu recours à des boues municipales, dans lesquelles se trouvaient des PFAS, pour fertiliser leurs champs.

« L’usine de Saint-Hyacinthe n’est pas responsable des PFAS s’il y en a. Il y en a partout. C’est un produit persistant dans l’environnement. Ce qui s’est passé aux États-Unis, c’est qu’il y avait une présence historique des PFAS dans les boues parce qu’il y avait de grands générateurs de PFAS. Vu que ce sont des éléments persistants dans l’environnement, ils se sont accumulés sur les terres agricoles. Le problème n’est pas nécessairement les boues, c’est davantage les générateurs en amont qu’il faut cibler. C’est l’approche qu’on préconise », affirme M. Ménard.

La raison pour laquelle l’État du Maine a interdit l’épandage de boues municipales sur les terres agricoles, c’est qu’on trouvait en grande quantité les PFAS dans les eaux usées. Ces substances sont principalement d’origine industrielle, comme les papetières, les tanneries ou les activités économiques liées à la défense nationale. Il y avait une plus grande concentration de ce type d’industrie dans cet État.

« Il y en a partout [des PFAS]. C’est un produit persistant dans l’environnement. Il ne faut pas s’étonner qu’il y en ait. C’est sûr qu’on trouve des PFAS dans les analyses [de la Ville], mais ça dépend du seuil de détection utilisé. On va en trouver en petites quantités, mais le poison est dans la dose. Est-ce que la quantité est suffisante pour nuire à la santé humaine? On ne sait pas. Ce n’est pas normé », ajoute M. Ménard.

Pour le moment, le Québec n’a pas établi de critère sur la présence de ces contaminants dans les biosolides ou les digestats. La recherche dans le domaine est d’ailleurs encore embryonnaire dans la province.

Comme la députée de Saint-Hyacinthe, M. Ménard croit qu’il n’y a pas de générateurs de PFAS dans la région. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’utilisateurs de PFAS. Afin de rassurer la population et les agriculteurs, Saint-Hyacinthe pourrait répertorier les entreprises qui en produisent ou qui en utilisent sur son territoire, suggère-t-il. Si certaines le font, il faut s’assurer qu’elles n’en disposent pas dans les eaux usées. Il propose également de rendre ces informations publiques.

D’ici quelques semaines, la date reste à déterminer, le ministre de l’Environnement, Benoit Charest, dévoilera un règlement omnibus dans lequel on trouvera un moratoire sur l’épandage de boues municipales étrangères. Le gouvernement du Québec ne peut pas légiférer sur l’importation de matières, mais peut sur l’épandage de la matière. De son côté, l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie demande un meilleur encadrement sur la distribution des matières résiduelles fertilisantes.

« Le gouvernement va interdire l’épandage de boues américaines. Le ministre va faire une sortie. Je vais le laisser expliquer le tout. Je ne sais pas quand ça va se faire, mais ça va être adopté avant l’épandage dans les champs », souligne Mme Soucy.

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