25 avril 2024 - 03:00
Ras-le-bol des agriculteurs
La fosse est pleine!
Par: Martin Bourassa
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

Une crise n’attend plus l’autre au Québec. Après la crise économique, la crise du logement, la crise des urgences et la crise humanitaire des demandeurs d’asile, voilà que la crise agricole s’ajoute à une longue liste de perturbations.

Sans oublier, bien sûr, la crise de confiance envers le gouvernement de la Coalition avenir Québec, elle aussi de plus en plus documentée.

Toujours solidaires et bruyants, nos agriculteurs ont multiplié les coups d’éclat et les manifestations depuis janvier à la grandeur du Québec. Ce mouvement devrait sans doute ralentir au fur et à mesure que la grosse ouvrage reprendra dans les champs et sur les fermes, mais d’ici là, ils sont partout.

Ils étaient plus de 300 sympathisants à Saint-Hyacinthe l’autre semaine, et pas moins de 1000 à diverses manifestations à travers l’ensemble de la Montérégie au cours de la même période, pour exprimer leur exaspération face aux malheurs qui les affligent. Les raisons de leur ras-le-bol sont nombreuses, mais retenons entre autres l’inflation galopante, la bureaucratie trop lourde, la perte constante de territoires agricoles, l’impact des changements climatiques, la concurrence déloyale des pays étrangers, les règles et contraintes agroenvironnementales, le manque d’écoute et de considération des gouvernements, alouette.

Leur cour est plus pleine encore que leur fosse, c’est bien pour dire!

Et ils se sentent surtout incompris, ce qui n’arrange rien. « Nos gouvernements nous entendent, mais ne nous comprennent pas », a claironné le président de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, Jérémie Letellier, dans une communication à ses membres lundi. « On réclame un plan concret. Les mesures prises depuis des mois ne répondent pas efficacement au contexte actuel et aux projections pour l’avenir. Bref, il n’y a pas de plan. On ne veut pas que les producteurs s’endettent davantage avec les mesures des programmes actuels. Malgré les beaux discours, nous ne sommes pas une priorité pour eux. »

En matière d’écoute, il est vrai que le gouvernement semble avoir entendu le message à défaut de le comprendre. En réaction à une manifestation spontanée en Montérégie à la fin mars, le premier ministre François Legault a eu le mérite de reconnaître l’évidence en avouant qu’il y a bel et bien une crise en agriculture actuellement. Pour régler tout problème, la première étape consiste à se l’avouer et à le regarder en face. Mais la suite est moins évidente, tant les récriminations sont nombreuses. Nos amis agriculteurs sont plus prompts à mettre le doigt sur les bobos qu’à proposer des solutions. François Legault a promis plus d’aide directe aux agriculteurs en renvoyant la patate chaude à son discret ministre de l’Agriculture. Le plan de match ou de sauvetage d’André Lamontagne, si jamais le ministre arrive à en pondre un, devra ratisser large pas mal. Il faudra agir et intervenir globalement. Non en silo. Et l’argent n’arrangera pas tout, bien que tous soient d’accord pour reconnaître le sous-financement chronique de l’agriculture au Québec. Suffit de regarder le dernier budget pour s’en convaincre ou de se donner la peine de lire les slogans sur les pancartes lors des manifestations.

Les problèmes qui minent notre agriculture ne sont pas juste financiers, ils sont aussi structurels, pour ne pas dire historiques, dans bien des cas. Malgré tant de promesses et d’espoirs, les réformes, les états généraux du monde agricole et la commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois d’autrefois n’ont jamais eu pour effet de bouleverser et de transformer nos campagnes et notre système agricole en profondeur.

Ceci explique peut-être en partie cela d’ailleurs.

Mais à défaut de pouvoir apporter une solution magique à tous les problèmes qui plombent actuellement notre agriculture, on ne peut qu’être solidaires et se sentir concernés par le sort de ceux et celles qui nourrissent le Québec.

Une petite partie de la solution nous revient individuellement, dans les choix que nous prenons au quotidien. Au restaurant comme à l’épicerie quand on choisit ce que l’on mangera et ce que l’on dépose dans notre panier. Et tant qu’on se scandalisera de payer 60 $ pour un gallon de sirop d’érable et 12 $ pour une douzaine d’épis de maïs, nous n’en sortirons pas. Et nos amis agriculteurs non plus.

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