2 décembre 2021 - 07:00
La frénésie du « Black Friday »
Par: Le Courrier

C’est la fin novembre. Pendant que nous nous préparons pour l’hiver, nous sommes inondés par un déluge d’annonces qui nous invitent à faire des emplettes pour le « Vendredi fou » (Black Friday). Le vendredi fou, c’est le lendemain de la Thanksgiving américaine, fêtée le dernier jeudi du mois de novembre. Mais, au Canada, l’Action de grâce, c’est le deuxième lundi d’octobre. C’est donc une tradition américaine qui a été importée ici! Pourquoi? Pour stimuler une frénésie d’achats autour d’une fête d’un autre pays?

Et, de façon plus pointue, pourquoi les commerces créent-ils artificiellement un « événement » pour nous inciter à acheter toutes sortes de « cossins ». De plus, la pub pour les ventes de Noël va occuper tous les écrans durant les prochaines semaines. Enfin, il y aura une autre vente folle; celle du « Boxing Day » du 26 décembre! N’oublions pas qu’un jour, toutes ces « bebelles » d’une utilité parfois douteuse encombreront les dépotoirs!

À l’évidence, certaines compagnies ont un intérêt à créer une frénésie autour de leurs produits. Nous avons vu que des acheteurs ont fait du camping pendant 24 heures devant la porte d’une compagnie de téléphones intelligents; ces acheteurs trépignaient d’impatience pour avoir la « gloriole » d’être les premiers à mettre la main sur le modèle dernier cri.

Même message dans le domaine automobile. Selon la pub, si tu as seulement une voiture modèle 2020, tu n’es pas « cool »! Grouille-toi, achète un modèle 2022! Et puis, si tu es un homme, un vrai, tu as absolument besoin du dernier modèle d’un mastodonte mi-auto, mi-camion comme un F-150, un RAM ou un Silverado. Ce genre de véhicule est utile pour un agriculteur ou un entrepreneur en construction, mais pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde? Pire, ces poids lourds ne sont pas soumis aux mêmes normes environnementales! Ce que je comprends, c’est que le marketing des constructeurs automobiles fait appel à un sens macho toxique.

Face à ces appâts des grandes chaînes commerciales, on doit prendre une grande respiration. On se calme. N’oublions jamais qu’un bon vendeur ne vend pas son produit; il vous incite à l’acheter. L’art du bon vendeur réside dans cette nuance. Tout le tra-la-la autour du Vendredi fou et du Boxing Day tourne autour de la création d’une frénésie d’achat chez les consommateurs. Comme dans le titre du livre de l’économiste Pierre-Yves McSween, chaque consommateur doit se poser la question-clé : « En as-tu vraiment besoin? ». Si tu n’en as pas besoin, une aubaine, même avec un rabais de 85 %, c’est toujours trop cher!

Pendant ce temps, en Colombie- Britannique, tout le système de transport de ces biens de consommation est anéanti par des inondations monstres qui ont démoli routes et chemins de fer. On commence à vraiment subir le potentiel destructeur des changements climatiques avec ces vagues de chaleur, ces incendies monstres, ces inondations et ces sécheresses.

Déjà, en 1972, Dennis Meadows et le Club de Rome remettaient en question la notion que l’on peut avoir une croissance économique infinie sur une planète finie. Par exemple, en 1970, le jour du dépassement de la Terre (Earth overshoot day) se situait au 30 décembre. Cela voulait dire que le 31 décembre était une journée vécue « à crédit ». La planète était incapable de produire assez de ressources pour cette 365e journée de l’année. En conséquence, il fallait hypothéquer l’avenir pour vivre cette dernière journée de l’année 1970. Un demi-siècle plus tard, ce jour du dépassement de la Terre se situe au 29 juillet 2021. Et la courbe de la surconsommation s’accélère!

Les 7,8 milliards d’humains doivent réduire leur rythme de consommation. Comme le préconise l’Agence internationale de l’énergie, il ne faut plus bâtir d’infrastructures d’énergies fossiles qui inciteront à consommer davantage. Sinon, « les huissiers » de la planète frapperont à nos portes sous la forme de désastres naturels comme les trombes d’eau qui se sont abattues sur la Colombie-Britannique.

Pendant que les Britanno-Colombiens tentent de se sortir de l’impasse, que font les autorités politiques et économiques? Elles exigent que la GRC procède à l’expulsion manu militari des Wet’suwet’en qui s’opposent à la construction du gazoduc Coastal GasLink sur leurs terres! Les grands de ce monde n’ont pas réussi à les expulser durant le blocus ferroviaire de l’hiver 2020; ils profitent des inondations pour finir la « job de bras ». Le système économique, axé sur le lobby des énergies fossiles, exige d’écarter de leur chemin ceux qui les empêchent d’avoir les outils pour vendre plus de gaz, un des carburants qui accéléreront les changements climatiques!

Quelle vie pour nos petits-enfants, alors!

Gérard Montpetit, La Présentation

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