19 octobre 2023 - 03:00
La Loi sur les mines, c’est « tasse-toi, mon’oncle »
Par: Le Courrier
Dans une entrevue, le conteur Fred Pellerin racontait qu’il avait acheté les « claims » miniers situés sous sa forêt patrimoniale pour la protéger des prospecteurs miniers, car le sous-sol de Saint-Élie-de-Caxton pourrait être exproprié par des spéculateurs étrangers. Avec sa façon bon enfant de dire les choses, notre Fred national venait de mettre le doigt sur la politique de dénationalisation de notre sous-sol québécois qui s’articule autour de la vieille Loi sur les mines de 1880. Malgré une mini mise à jour adoptée sous bâillon avant Noël 2016, tout prospecteur peut légalement et unilatéralement se déclarer propriétaire du sous-sol situé sous ta propriété; il y a même une clause qui t’interdit de l’empêcher d’avoir accès à « sa propriété » située sous tes pieds et d’y faire des travaux majeurs.

En d’autres mots, le prospecteur minier peut s’installer dans ta cour et te dire légalement : « Tasse-toi, mon’oncle; t’es pas maître chez toi! » Tout le sous-sol québécois est considéré comme une « terra nullius » qui peut être « claimée » par quiconque le réclame en payant des frais ridiculement bas. C’est la théorie de la découverte des colonisateurs du 15e siècle. Cette doctrine « consacra le principe selon lequel tout monarque chrétien qui découvre des terres non chrétiennes a le droit de les proclamer siennes, car elles n’appartiennent à personne ». La Loi sur les mines semble fonctionner selon ce principe; par conséquent, les propriétaires en surface sont démunis face à la prépondérance légale des droits miniers. Si l’on poussait les conséquences de la Loi sur les mines jusqu’à sa limite absurde, les propriétaires du sous-sol de l’île de Montréal (en 2010, c’était Junex dans la partie est et une compagnie à numéro dans l’ouest de l’île) pourraient légalement dire : « Votre métro circule illégalement à l’intérieur de notre propriété; démolissez-le! »

De 2004 à 2010, des prospecteurs de l’industrie gazière ont « claimé » les basses terres de la vallée du Saint-Laurent pour 0,10 $ par hectare par année. En ce début du 21e siècle, ils ont payé le prix de 1880! Selon le rapport officiel du BAPE, cela a fait perdre minimalement 5 G$ au trésor québécois. Pour éviter de nous faire évincer de nos propriétés ou d’être forcés de vivre à 100 mètres d’un puits de gaz de schiste comme Odette et Roland Larin à Saint-Louis-de-Richelieu, nous avons dû signifier un avis aux gazières qui proclamait : « Vous n’entrerez pas chez nous! » Quelque 65 000 signatures ont été déposées à l’Assemblée nationale pour proclamer que les citoyens sont « maîtres chez eux » en dépit de l’inique Loi sur les mines!

L’histoire se répète. Aujourd’hui, avec l’arrivée des changements climatiques qui nous frappent de plein fouet, il faut tout électrifier. Pour effectuer un virage rapide vers l’électrification, l’industrie se lance dans une course fébrile aux métaux rares, dont le graphite. Les prospecteurs sont à l’œuvre partout sur notre territoire. Les citoyens comme Fred Pellerin, certains politiciens et les membres de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) s’inquiètent, avec raison. Ceux qui habitent le territoire, autochtones comme non-autochtones, ont-ils des droits selon la Loi des mines? Les MRC et les municipalités ont le devoir d’avoir un schéma d’aménagement et de le faire respecter; pourtant, selon la Loi sur les mines, un prospecteur peut faire à sa tête, car il a priorité sur ceux qui habitent le territoire!

La vieille Loi sur les mines donne, encore et toujours, la prépondérance aux spéculateurs en faisant fi des droits des personnes qui habitent le territoire. C’était le cas pour le gaz de schiste; c’est encore le cas pour les matériaux requis par les nouvelles technologies. La Révolution tranquille des années 1960 s’est insurgée contre notre dépossession de nos ressources naturelles en proclamant que nous sommes « maîtres chez nous ». Cette vieille Loi sur les mines, il est plus que temps de la mettre à jour!

Gérard Montpetit, membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain)

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