15 décembre 2022 - 07:00
La pertinence des arts visuels contemporains au XXIe siècle
Par: Le Courrier
Je me rappellerai toujours le tableau de Matisse qu’il y avait dans la salle de bain de ma grand-mère. Ayant vécu à une époque de grands changements, qu’il peigne et représente les tabous et les angoisses de la société de son époque était nécessaire pour se démarquer et faire réfléchir. Mais aujourd’hui, à l’ère où toutes les questions semblent avoir été posées et où la remise en question fait partie de notre quotidien, est-ce que les arts visuels modernes sont toujours pertinents?

La musique, le cinéma, la littérature et la dramaturgie peuvent nous faire ressentir des émotions. Toutefois, regarder une peinture, une photographie, une sculpture ou un assemblage de canettes recyclées, qu’est-ce que ça procure? Ou plutôt, est-ce que ça procure quelque chose? Un été, je suis allée à Paris et j’ai pu admirer de mes propres yeux la Joconde.

J’ai senti un grand questionnement m’envahir. C’était surprenant de voir une œuvre qui a traversé des révolutions et des catastrophes, mais surtout un bon paquet d’années. Je ne voyais pas la technique de création ou le sourire énigmatique, je ne voyais qu’un morceau de bois vieux de plusieurs siècles. Ce n’est pas étonnant, à mon avis. Je n’étais pas venue voir la Madone des toiles pour ses sourcils, je voulais la contempler pour sa vieillesse et son authenticité. Après tout, je regardais le plus célèbre tableau du monde! Ceci dit, si j’ai été inspirée par l’histoire de ce tableau et non par le tableau lui-même, est-ce qu’on peut partager un tel sentiment face à une toile qui n’a pas cette caractéristique historique?

J’ai posé la question à vingt personnes de mon entourage, de générations et d’éducations différentes, sur leurs expériences et leur vision de l’art moderne. Ce sondage n’a pas été effectué sur une centaine de personnes, mais ça peut tout de même nous donner une petite idée. Sur une vingtaine de personnes, les trois quarts disent ne pas avoir été émus, émerveillés ou touchés par une peinture datant d’après 2000 ou, du moins, ne pas s’en souvenir.

Concernant les nuances entre l’art visuel moderne et ancien, j’ai demandé aux mêmes personnes si elles s’intéressent davantage aux peintures et aux sculptures récentes qu’historiques. Les préférences varient, mais penchent surtout vers l’art visuel passé, laissant donc penser qu’on favorise ce qui est ancien plutôt que ce qui est de notre époque.

À la base, ce texte devait traiter de l’art visuel de toutes les époques, mais j’ai cru bon d’ajouter « moderne » pour questionner une période plus précise : celle de la technologie. Avec les nouveaux loisirs et divertissements qui nous éloignent de la réalité et de l’expression artistique traditionnelle, nous nous rapprochons de ce qui est virtuel.

Selon le journal québécois Le Soleil, le jeu vidéo est considéré comme le 10e art par un grand nombre d’institutions politiques et juridiques (même selon la Cour suprême des États-Unis). Si on se fie à l’augmentation de l’exposition des enfants de plus en plus jeunes aux technologies, ce constat ne risque pas de changer. Ce n’est pas une mauvaise chose, au contraire, car cela prouve que l’art évolue en même temps que notre société et que c’est subjectif et différent pour chacun. L’art dépend de ce qu’on veut y interpréter. Par contre, ces changements démontrent que les jeunes se désintéressent progressivement des arts plastiques, ce qui éteindra peut-être cette virtuosité.

Catherine Savard, Saint-Hyacinthe

image