23 décembre 2021 - 07:00
Histoire d’ici
La petite aventure du théâtre Le Donjon
Par: Le Courrier
La troupe Le Donjon en 1959. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH548 Fonds Raymond Bélanger, 1959

La troupe Le Donjon en 1959. Photo Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe, CH548 Fonds Raymond Bélanger, 1959

C’est sur les derniers mots de la pièce de théâtre Topaze de Marcel Pagnol que se termine la première représentation d’une nouvelle troupe composée de jeunes maskoutains. Nous sommes au mois de mai 1959. Les spectateurs, ravis du spectacle auquel ils viennent d’assister, descendent les marches du théâtre Le Paris. Certains iront dormir et d’autres prendre un dernier verre dans les quelques « grills » qu’offre Saint-Hyacinthe à cette époque. Une odeur de modernité flotte dans l’air partout au Québec.

La jeunesse canadienne-française de la fin des années cinquante, qui a grandi dans un monde imprégné de la morale catholique, désire du changement. C’est dans cette soif de modernité qu’est fondée la troupe de théâtre Le Donjon qui s’inscrit dans le mouvement des théâtres de poche : petit local, petit budget, mais grandes ambitions d’innover au niveau du jeu et de présenter un répertoire différent du théâtre offert jusqu’alors. L’émission Théâtre populaire de Radio-Canada, qui a démocratisé cet art, n’est pas étrangère au développement du réseau des théâtres de poche.

Au début, la troupe pratique où elle peut. D’ailleurs, Claude Grisé, un des cofondateurs avec Guy Boucher et directeur de la troupe, explique dans Le Clairon maskoutain du 21 mai 1959 l’origine du nom particulier de la troupe. « Cette idée nous est venue alors que, faute de locaux plus propices, nous devions répéter dans le sous-sol d’une maison et autres endroits pas toujours très confortables. Du caveau au grenier, nous en sommes arrivés au Donjon que tous adoptèrent. »

À la suite du succès de Topaze, la troupe souhaite se déposer à un seul endroit où répétitions et représentations pourront avoir lieu. C’est finalement au 435, avenue Mondor que la troupe emménage. Ce local, aménagé entièrement par les membres de la troupe, avec peu de moyens, mais beaucoup de volonté, permettra d’accueillir près de 70 personnes. La troupe fait appel au public pour obtenir des meubles et des vêtements pour la création des décors et des costumes.

La mission de la troupe est de faire connaître le théâtre moderne au public maskoutain en présentant des pièces d’auteurs d’avant-garde. Eugène Ionesco y sera joué, de même que Bertolt Brecht, sans oublier Marcel Dubé. Désireux de suivre le courant, Le Donjon s’inspire de troupes montréalaises telles que les Apprentis-Sorciers, dont les comédiens jouent de façon anonyme et présentent leurs spectacles gratuitement. Durant sa courte existence, Le Donjon survivra grâce aux subventions octroyées par la Ville de Saint-Hyacinthe, aux dons de mécènes, aux cotisations des membres de la troupe et aux dons des spectateurs.
La programmation ne se limite pas qu’au théâtre. On y présente aussi des expositions d’artistes maskoutains et des chansonniers en herbe tels que Claude Gauthier et Pierre Calvé, qui en sont à leurs débuts, ainsi que des soirées thématiques : musique classique, peinture, astronomie et poésie.

Au début de 1964, un événement sonne le glas du Donjon. Le local ne répondant plus aux normes dictées par la loi sur les incendies, la troupe se retrouve sans toit. Jean-Claude Robert, directeur de la troupe à cette époque, publie deux lettres ouvertes dénonçant cette situation et autres démêlés avec la Ville. Le théâtre Le Donjon met donc fin à ses activités.
Même si l’aventure du théâtre Le Donjon se termine de façon abrupte, elle aura permis à de jeunes artistes maskoutains de présenter leurs talents, d’éveiller la population de Saint-Hyacinthe aux arts et de donner envie à d’autres passionnés de prendre des initiatives artistiques. D’ailleurs, d’autres organismes maskoutains dédiés à la culture seront créés durant les années qui suivront.

Par Anne-Sophie Robert, membre du Centre d’histoire

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