Divers fonds d’archives du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe ainsi que plusieurs articles du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe exposent des cas d’inquiétude face à la pollution à Saint-Hyacinthe dès les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Il est possible de constater qu’à cette époque la pollution affecte les Maskoutains de deux façons : d’abord par l’air, avec la présence de fumée et d’odeurs nauséabondes, puis par l’eau, avec le déversement d’égouts domestiques et industriels dans la rivière Yamaska.
La façon de percevoir le phénomène de la pollution varie selon les acteurs du temps. Par exemple, pour le directeur de l’Unité sanitaire des comtés de Saint-Hyacinthe et Rouville, Dr Marc Bergeron, le déversement d’eaux usées dans la rivière est synonyme de danger pour la santé des citoyens. Soulignons que c’est en 1927 que ladite unité est créée par le Service provincial d’hygiène de la Province de Québec. Cet organisme a entre autres pour but de lutter contre la mortalité infantile et ses responsables s’inquiètent des maladies infectieuses transmissibles par les eaux contaminées.
Dans la région maskoutaine, la fin de l’été 1946 est marquée par la recension de 17 cas de paralysie infantile, aussi appelée poliomyélite. Ainsi, dans l’édition du 6 septembre 1946 du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe, il est possible de lire que par mesure préventive : « [l]’ouverture des écoles relevant des commissions scolaires, à Saint-Hyacinthe, La Providence et Saint-Joseph-sur-Yamaska, est de nouveau retardée, annonce le Dr Bergeron, au 16 septembre. Le Séminaire de Saint-Hyacinthe n’ouvrira ses portes que le 17 […] Quant aux écoles primaires de la campagne, l’ouverture y est fixée au 10, sauf avis contraire ».
Pour combattre ce type d’épidémie, le ministère de la Santé y va de plusieurs campagnes de vaccination et de prévention. Le ministre divulgue divers conseils à la population comme de ne boire que de l’eau filtrée ou bouillie et de ne pas se baigner dans un cours d’eau pollué. On peut alors constater que la perception de la pollution qu’ont les différents acteurs du domaine de la santé est considérée uniquement du point de vue de l’humain.
De son côté, la conception écologique du problème de pollution, telle que nous la connaissons aujourd’hui, prend racine au tournant des années 1950. La recherche de nouveaux lieux de loisir par une classe moyenne qui s’élargie stimule la mobilisation de certains de ses membres dans la lutte au problème de pollution fluviale. Dorénavant, les rivières vont être davantage perçues comme étant des espaces propices à la récréation. Si bien que les villes et les industries vont devenir, pour une partie de la population, la cause de la limitation de leurs activités récréatives, notamment parce que le rejet de leurs eaux usées entraîne la diminution de la faune aquatique.
Dans la région de Saint-Hyacinthe, l’Association de Chasse et Pêche du Yamaska (ACPY) joue le rôle de pionnier en termes de sensibilisation aux questions de l’impact de la pollution sur la faune. Cette volonté d’agir pour léguer un héritage aux générations futures se perçoit particulièrement à travers diverses tentatives d’ensemencement de la rivière Yamaska. C’est ainsi que le 18 août 1946, Le Courrier de Saint-Hyacinthe souligne que : « grâce à l’initiative de l’Association des Pêcheurs et Chasseurs du Yamaska […] la rivière Yamaska, en amont de la digue de Penman’s Limited, a été ensemencée de plus de 7 000 achigans à l’état d’alevins. » Afin que cet effort porte ses fruits, les directeurs de l’association : « […] comptent sur l’aide des pêcheurs, leur demandant de respecter rigoureusement les réglementations de la pêche, en ce qui regarde la taille des poissons et la prise en temps prohibé. »
En somme, la compréhension du problème de la pollution et sa prise en charge ne sont pas issues d’une « prise de conscience » soudaine, mais plutôt d’une évolution multilinéaire du phénomène.