Une recherche de solutions
Dans le même ordre d’idées de la parution précédente, il sera ici question de l’existence d’une conscientisation maskoutaine des problèmes environnementaux dans les années 1940 et 1950. Il existe à cette époque une effervescence industrielle à Saint-Hyacinthe. En 1941, on ne dénombre pas moins de 67 établissements manufacturiers sur le territoire maskoutain. Bien que stimulante économiquement, cette situation entraîne son lot de désagréments, dont l’émanation de fumée polluante.
C’est ainsi que le 20 octobre 1947, une plainte destinée au Conseil municipal de Saint-Hyacinthe, signée par 12 résidents des rues Sainte-Anne, Marguerite-Bourgeoys, Saint-François et Saint-Simon, prévient : « […] de bien vouloir faire corriger les inconvénients que cause la cheminée de la fonderie Dussault et Lamoureux. La fumée qui s’en dégage est intolérable pour les résidents de l’arrondissement ». Ce cas n’est en fait qu’un exemple parmi d’autres. Ces circonstances poussent la ville à trouver une réglementation efficace, notamment en s’inspirant de certaines municipalités québécoises qui ont déjà mis en place des moyens pour lutter contre ce problème.
Le 21 septembre 1948, le Conseil adopte le règlement no 654 : « Tout établissement situé à moins de 600 pieds de toute maison d’habitation devra être pourvu d’une cheminée d’au moins 50 pieds, s’il utilise des bouilloires à vapeur ». L’amende encourue pour une telle infraction est d’un maximum de 40 $ et, à défaut de paiement, une sentence d’emprisonnement de moins de 30 jours peut être applicable. L’adoption dudit règlement n’est toutefois pas la panacée à tous ces maux urbains.
Dès le mois suivant, un résident de la rue Girouard dépose une plainte dans laquelle il souligne que : « […] la direction de la Laiterie de Saint-Hyacinthe située en bordure de la voie du chemin de fer [sur la rue Sicotte] semble avoir ignorée complètement jusqu’à maintenant, le règlement en question ». Il ajoute que : « toutes les demi-heures, jour et nuit, dimanche et fêtes y compris, la cheminée de cette laiterie continue de déverser sur tout le quartier avoisinant des torrents de fumée noire et nauséabonde qui, en plus de détériorer l’extérieur et l’intérieur de nos habitations, constitue un véritable danger public pour la santé et l’hygiène des résidents de ce quartier ».
Les autorités municipales redirigent la plainte vers le Dr Marc Bergeron, directeur de l’Unité sanitaire des comtés de Saint-Hyacinthe et Rouville. Ce dernier demande à l’inspecteur sanitaire de la ville, ainsi qu’à un ingénieur de la division d’hygiène industrielle du ministère de la Santé du Québec, de dresser un rapport sur la situation. Les deux hommes transmettent à la direction des Produits Laitiers Mont-St-Hilaire leurs recommandations afin de remédier à la situation.
Ils demandent entre autres d’ajouter une bouilloire, car celle utilisée par la laiterie : « […] est forcée de fournir de la vapeur à un taux de 150 % à 200 % de sa capacité normale ». Les directeurs de la compagnie répondent qu’avant de se procurer une nouvelle bouilloire, ils tenteront de maximiser l’efficacité de celle qu’ils possèdent déjà. Ils proposent de boucharder la maçonnerie de ladite bouilloire, ce qui aurait pour effet de diminuer la demande de charbon pour le chauffage. Les changements apportés ne semblent pas être suffisants puisque le 10 mai 1949, une nouvelle plainte, signée par 62 citoyens, est adressée aux membres du Conseil municipal concernant la fumée qui se dégage toujours de la laiterie.
Cinq jours auparavant, les membres du Conseil municipal en venaient à la conclusion suivante : « En présence de l’insuccès des diverses démarches officielles et officieuses du conseil pour faire disparaître cette nuisance […] il est unanimement résolu, que Me Philippe Pothier, avocat de la cité, soit requis de prendre au nom de la ville, contre les fauteurs de cette nuisance, toutes les procédures que la loi et les règlements de la cité l’autorisent d’utiliser pour faire disparaître cet ennui dans le plus court délai possible ».
En somme, avec l’élaboration de règlements municipaux et de législations gouvernementales, il nous est possible de constater la présence des premières affirmations d’une prise en charge du problème de pollution dès la fin des années 1940. Bien qu’inefficaces à plusieurs égards, ces premières tentatives nous permettent de constater qu’il n’est pas question ici d’une « prise de conscience subite », mais plutôt d’un phénomène qui se forme et se transforme au gré du temps.