Selon les plus récentes données du Bureau du surintendant des faillites, le nombre total de dossiers d’insolvabilité, incluant les faillites et les propositions, déposés en août a augmenté de 18,3 % par rapport à août 2022 à l’échelle du pays. D’un océan à l’autre, le nombre de dossiers de consommateurs a augmenté de 17,8 % et le nombre de dossiers d’entreprises a augmenté de 37,3 %. Seulement, entre juillet et août derniers, le nombre total de dossiers d’insolvabilité au pays a augmenté de 10,3 %. Le nombre de faillites a augmenté de 14,7 % et le nombre de propositions a augmenté de 9 %.
Pierre Marchand, associé restructuration corporative chez MNP, un syndic ayant un bureau à Saint-Hyacinthe, a expliqué que, pendant la pandémie, le nombre de faillites commerciales a diminué de 35 %. La hausse actuelle des faillites peut donc être attribuée, du moins en partie, à un certain rattrapage.
Toutefois, Saint-Hyacinthe Technopole – le bras économique de la Ville de Saint-Hyacinthe et de la MRC des Maskoutains – et tous les représentants des syndics contactés par LE COURRIER s’entendent pour dire que plusieurs facteurs ont amplifié le phénomène dans la dernière année et encore plus au cours des derniers mois. Parmi ceux-ci, on évoque la pénurie de main-d’œuvre, l’inflation, qui affecte l’approvisionnement et réduit la consommation, ainsi que la hausse des taux hypothécaires. Cette dernière frappe particulièrement le secteur de la construction, alors que les nouvelles unités qui arrivent sur le marché tardent à trouver preneur rapidement.
La directrice générale de Saint-Hyacinthe Technopole, Karine Guilbault, ne nie pas que la pression soit forte sur les finances de plusieurs entreprises. « Il y a un cocktail critique de facteurs qui affectent les entreprises ces temps-ci, mais elles sont quand même résilientes. »
Selon M. Marchand, les difficultés financières des entreprises se sont aggravées au printemps et encore davantage à l’été et à l’automne, des périodes qui ont été bien occupées pour les syndics.
Il remarque que les entreprises tentent dans un premier temps de réduire leurs dépenses superflues. Pour sa part, Stéphanie Blouin, conseillère en redressement financier chez le syndic Roy Métivier Roberge (RMR), qui a ouvert un bureau à Saint-Hyacinthe à l’été, constate que les entreprises ferment parfois volontairement leurs portes avant de consulter un syndic. Par contre, des dirigeants viennent la rencontrer quand les créanciers commencent à les harceler, car les dettes ne s’effacent pas automatiquement avec la fermeture.
En mode consolidation
Chaque début d’année, Saint-Hyacinthe Technopole effectue une tournée des entreprises de la région maskoutaine. Après plusieurs années d’investissements importants, le mot d’ordre des entreprises pour 2023 était la consolidation. « Ce n’est pas une année record au chapitre des investissements qui s’annonce, mais ce n’est pas non plus catastrophique », estime M. Guilbault.
Selon Pierre Marchand, le fait d’investir malgré un niveau de dettes élevé peut être un des facteurs qui ajoutent aux difficultés financières de certaines entreprises actuellement. Plusieurs entreprises ont également bénéficié de prêts du gouvernement canadien lors de la pandémie et peinent maintenant à les rembourser.
Saint-Hyacinthe Technopole compose actuellement avec un de ces cas. Cette entreprise est en discussion avec un syndic. Toutefois, la situation pourrait s’aggraver éventuellement pour les entreprises ayant bénéficié de ces prêts puisqu’un taux d’intérêt de 5 % sera appliqué sur ceux-ci dès le 18 janvier. Ces prêts devront ensuite être remboursés totalement au plus tard le 31 décembre 2026. C’est pourquoi des demandes ont été adressées récemment par divers groupes pour que les entreprises dans cette situation obtiennent un sursis. C’est le cas de l’Alliance des chambres de commerce de la Montérégie, dont fait partie la Chambre de commerce de la grande région de Saint-Hyacinthe. Elle demande le report de la date limite de remboursement des prêts au moins jusqu’en janvier 2025. Sa requête est basée sur le contexte économique actuel marqué notamment par l’inflation et le niveau d’endettement de plusieurs entreprises et par la flexibilité déjà offerte par certaines institutions financières.
Saint-Hyacinthe Technopole essaie aussi d’éviter le pire en essayant de détecter les signes avant-coureurs de difficultés financières chez les entreprises.
Pour y arriver, elle essaie chaque année d’envoyer le même conseiller visiter les mêmes entreprises. Le but est de créer un lien de confiance pour que l’entreprise soit à l’aise de s’ouvrir sur ses difficultés.
De plus, elle tente de promouvoir ses services d’aide qui sont souvent moins connus. Les syndics recommandent également aux entreprises de venir les consulter plus tôt que tard afin d’éviter de creuser leurs pertes.
Selon la directrice générale de Saint-Hyacinthe Technopole, les entreprises ont encore la mauvaise habitude de consulter les syndics qu’en dernier recours.