18 janvier 2024 - 03:00
La religion ne donne pas tous les droits
Par: Le Courrier
«Allah, charge-toi de ces agresseurs sionistes. Allah, charge-toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous, puis extermine-les. Et n’épargne aucun d’entre eux! » Ces propos, d’une violence extrême, du prédicateur islamiste Adil Charkaoui, ont été prononcés lors d’une manifestation en novembre dernier.

La lecture de ces mots et des velléités exterminatrices qui s’y rattachent ne peut d’aucune façon nous exempter d’un constat immédiat : nous avons là un message haineux, auquel se conjugue un appel au meurtre. De telles évocations sont réprimées par tout Code criminel digne de ce nom. À une exception près…

Peut-être l’ignorez-vous : l’appel à la haine est interdit au Canada, sauf s’il puise son origine dans des motifs religieux. Le Code criminel canadien indique que « nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction » liée à l’incitation à la haine s’« il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument ».

On peut ainsi être jugé coupable, et à juste titre, d’avoir appelé à la haine des homosexuels, des Juifs, des musulmans, des athées, des femmes… sauf si c’est votre Bible, votre Coran ou votre Torah qui vous l’exige! La haine, c’est mal, à l’exception de celle qui cherche à plaire à Dieu. Le prédicateur Charkaoui peut donc dormir sur ses deux oreilles et continuer à déverser son fiel en toute légalité.

C’est pourquoi le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a déposé, au cours de la dernière session parlementaire, un projet de loi pour abolir cette exemption religieuse au Code criminel. Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas daigné nous dire s’il était favorable à la fin de cette aberration. Elle n’est, par ailleurs, pas la seule dans le genre.

Nation distincte, vous dites?

Le Québec a, depuis la Révolution tranquille, voulu replacer la religion là où elle doit être, c’est-à-dire dans l’espace privé. Si la liberté de conscience est un droit inaliénable, le Québec et le Canada ont des conceptions fort différentes de la place de la religion dans la société. Il faut dire que le mot « laïcité » n’a aucun équivalent en anglais…

Alors que le Canada n’a aucune loi en matière de signes religieux portés par les employés de l’État, le Québec en a une depuis 2019 (la loi 21), qui interdit le port de signes religieux pour ceux qui sont en position d’autorité (juges, policiers, enseignants). Cette loi 21 est un consensus québécois et a été adoptée démocratiquement par une vaste majorité de députés à l’Assemblée nationale du Québec. Ottawa menace de la démanteler par le biais de tribunaux composés de non-élus et par le soutien financier de l’État canadien.

Alors que le Canada ouvre chaque séance de son Parlement par une prière à la gloire de Sa Majesté Charles III, le Québec a aboli cette pratique depuis 1976 pour la remplacer par une minute laïque de recueillement. Alors que la Charte canadienne des droits et libertés, faisant partie de la Constitution du Canada dont le Québec n’est pas signataire, fait référence à la « suprématie de Dieu » dans son préambule, le Québec a plutôt une loi affirmant qu’il est un État laïque. Alors que le Roi Charles III est à la fois le chef de l’État canadien et le « Chef Suprême de l’Église et du Clergé d’Angleterre », le Québec est favorable à plus de 70 % à l’abolition de cette Couronne vétuste. Alors que le Canada impose, à travers sa Cour suprême, le droit de porter un kirpan (couteau de confession sikhe) en pleine salle de classe et qu’il permet depuis 2015 la présence de cette arme blanche en avion, le Québec est massivement opposé à ces autorisations. Alors que le Canada permet le port du niqab (voile masquant intégralement le visage des femmes) lors de ses assermentations de nouveaux citoyens, le Québec est contre cette pratique à hauteur de 90 %. Alors que le Parlement du Canada a refusé à plusieurs reprises de soutenir unanimement le droit à l’avortement, l’Assemblée nationale du Québec le réitère fréquemment.

Nation distincte, dites-vous? C’est le moins qu’on puisse dire. Il ne reste qu’à l’officialiser dans un nouveau pays indépendant, façonné à notre image.

Simon-Pierre Savard-Tremblay, député de Saint-Hyacinthe–Bagot, Bloc québécois

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