Entre 2010 et 2014, le nombre de dépassements des critères de la qualité de l’eau a bondi, passant d’environ 14 % à 100 % dans cette rivière faisant partie du bassin versant de la rivière Yamaska.
Sachant que la rivière Chibouet est située sur un territoire à forte dominance agricole, soit 76 % de la superficie totale du bassin versant, cette hausse s’explique par la détection fréquente des insecticides issus de la famille des néonicotinoïdes.
« Avec l’inclusion des néonicotinoïdes au programme de suivi [depuis 2012], la fréquence de dépassement de la qualité de l’eau a augmenté considérablement, découlant probablement du relargage continuel associé à l’enrobage des semences », peut-on lire dans le rapport du MDDELCC.
La présence des pesticides affecte les espèces aquatiques, lesquelles sont dans un état de santé « précaire » dans la rivière Chibouet, indique le document.
Du côté de l’Organisme de bassin versant de la rivière Yamaska (OBV Yamaska), on affirme que la situation est « préoccupante » et que « la dégradation de la qualité de l’eau peut avoir des impacts majeurs sur la qualité de l’écosystème complet ».
Néanmoins, « l’approvisionnement des agriculteurs en semences non traitées aux néonicotinoïdes semble difficile », note le directeur général d’OBV Yamaska, Alex Martin.
Un propos corroboré par le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie, Christian St-Jacques, qui souligne toutefois que « quelques compagnies ont recommencé à offrir des semences non enrobées ».
« L’avantage d’avoir un insecticide intégré à la semence, c’est que cela représente un risque de moins au niveau de la manipulation, poursuit-il. Vu que le produit est déjà intégré, il y a moins de chance de se tromper dans les quantités. »
Celles-ci sont déterminées par des agronomes et « au prix que ça coûte », les producteurs agricoles respectent les recommandations, fait valoir M. St-Jacques.
Le président estime également que tout n’est pas aussi « dramatique » que le démontre le document ministériel. « Oui, on s’attend à ce qu’il y ait des traces de pesticides dans l’eau. Dans le rapport, c’est indiqué en nombre de détections, mais si l’on regarde en terme de concentration, c’est similaire aux années antérieures. »
Solution bio
Le président du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM) et biologiste, Jacques Tétreault, croit qu’il y a moyen de renverser la vapeur.
« Les solutions sont connues. Il faut se tourner vers l’agriculture biologique, mais les producteurs ne sont pas prêts. »
Il reconnaît qu’une production biologique entraînerait beaucoup de changements pour les agriculteurs, mais il insiste : « si le produit chimique se rend jusque dans la plante, on peut penser que ça se rend aux grains que mangent les animaux et au bout de la chaîne alimentaire, il y a nous. Ça fait longtemps qu’on sait que la rivière est polluée. Ce qui m’inquiète, ce sont les taux de dépassement et le fait qu’on y retrouve des pesticides en permanence. »
M. Tétreault pointe également du doigt le drainage excessif des terres agricoles du territoire. « Oui on évacue l’eau rapidement, mais plus la vélocité augmente, plus l’eau entraîne avec elle des particules de terre qui se retrouveront dans la Yamaska », explique-t-il.
Pour Christian St-Jacques, « la pression sur les producteurs bio est trop énorme et il n’y a pas assez de support » pour que ce modèle soit viable.
Il dénonce également le peu de soutien gouvernemental au niveau des inspections et de la recherche phytosanitaire, lesquelles permettraient de déterminer la présence ou non d’infestations potentielles des récoltes l’année suivante.
« Nous sommes présents sur les comités de bassins versants. On ne se cache pas, les producteurs agricoles. Nous aussi nous voulons apporter des changements, mais nous ne pouvons pas le faire seuls. Le gouvernement doit nous aider », martèle M. St-Jacques.