25 mai 2023 - 07:00
Pour assurer la rentabilité des cultures dans la région
La santé des terres doit être priorisée
Par: Adaée Beaulieu
Louis Robert croit que les habitudes des producteurs et agronomes doivent être changées pour éviter la compaction des terres agricoles. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Louis Robert croit que les habitudes des producteurs et agronomes doivent être changées pour éviter la compaction des terres agricoles. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Odette Ménard, du MAPAQ, montre une parcelle de terre agricole compacte, car elle a été labourée fréquemment. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Odette Ménard, du MAPAQ, montre une parcelle de terre agricole compacte, car elle a été labourée fréquemment. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Une parcelle de la même terre agricole en santé, car elle n’a pas été travaillée depuis de nombreuses années. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Une parcelle de la même terre agricole en santé, car elle n’a pas été travaillée depuis de nombreuses années. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Certaines terres de la Montérégie, dont dans la MRC des Maskoutains, sont mal en point, car elles sont compactées en raison notamment du poids des équipements lourds qui a augmenté de huit à neuf fois dans les dernières décennies et de l’épandage de fumier. Elles manquent donc d’oxygène. Les spécialistes sont tous d’accord qu’il est grand temps de se préoccuper de la santé des sols pour qu’il y ait autant de nourriture sur les tables dans les prochaines décennies.

Dans le cadre du 90e congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (Acfas), Jean Caron, professeur à l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche en conservation et restauration des sols, a fait part de ce constat inquiétant. Celui-ci ressort d’une étude sur la santé des sols réalisée à partir d’échantillons récoltés sur 20 sites agricoles en Montérégie dédiés aux grandes cultures telles que le maïs, le soya et le blé, dont certains dans la MRC des Maskoutains, au cours des étés 2019, 2021 et 2022.

« C’est un problème généralisé en Amérique du Nord pour toutes les cultures, mais nous avons opté pour les grandes cultures, car cela représente 62 % de ce qui est cultivé en Montérégie. Il y a eu des manquements dans les tests qui ont été faits dans les dernières décennies. Il aurait fallu faire plus de prévention. Tout le monde le savait dans le milieu agricole, mais là, c’est sorti publiquement. Il faut qu’il y ait un changement de mentalité et cela doit passer par des mesures d’encouragement. Le gouvernement devrait appuyer les agronomes pour qu’ils prennent plus d’indicateurs », déclare Jean Caron en entrevue avec LE COURRIER.

L’agronome à la retraite du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) et résidant de Saint-Pie Louis Robert se réjouit que le sujet de la compaction des terres soit discuté. « Je suis très content que ça ressorte parce que ça fait partie des constats que nous faisons depuis de nombreuses années. Nous croyons à tort que les carences les plus fréquentes des sols sont l’azote et le phosphore, mais non, c’est l’oxygène », explique-t-il.

Tout comme M. Caron, il indique que très peu d’agronomes font des profils de sol puisque la seule obligation est une analyse chimique tous les cinq ans. Toutefois, c’est en creusant avec une pelle qu’il est possible d’établir un diagnostic, notamment concernant la compaction, et de trouver le bon traitement. « Ce que je souhaite, c’est que les producteurs et les agronomes deviennent autonomes et que ces tests soient faits partout », affirme-t-il.

Quoi faire?

Selon Louis Robert, il n’y a pas de solution miracle pour remédier à la compaction des terres agricoles, mais plusieurs mesures peuvent être mises en place. Cela demande toutefois un changement dans les habitudes des producteurs et une période de transition.

« Le défi, c’est d’avoir de plus petites batteuses, de ne pas épandre et de ne pas travailler la terre quand elle est humide », mentionne-t-il.

M. Robert soutient que semer des cultures de couverture comme le trèfle et le sarrasin protège le sol notamment contre l’érosion et assure un coussin contre la compaction. L’idéal, dit-il, est de ne pas semer dans un sol compacté pendant au moins une saison.

« Un sol compact est un sol malade, alors on doit le mettre en convalescence et le soigner, c’est-à-dire ne pas y semer de grandes cultures ou autres », explique-t-il.

L’ingénieure et agronome Odette Ménard, conseillère en conservation des sols et de l’eau à la Direction régionale de la Montérégie du MAPAQ, ajoute que les cultures de couverture permettent de fertiliser le sol. Elle explique qu’une rotation entre les cultures de couvertures fertilisantes et les semences commerciales est optimale.

Dans les cas les plus graves, le sous-solage, une méthode qui consiste à venir casser le sol avec une machine munie de longues pattes de métal, peut aussi être utilisé au mois d’août après avoir semé des cultures de couverture et s’être assuré que le sol est sec en profondeur.

L’essentiel est de maintenir l’oxygénation et donc la porosité des terres agricoles, c’est-à-dire les espaces vides qui permettent de faire passer l’eau et l’air et leur interconnexion.

Une histoire à succès

Jocelyn Michon, un producteur de grandes cultures de La Présentation, n’a pas travaillé ses terres depuis 30 ans et n’y voit donc pas vraiment de compaction. Il a fait graduellement une transition vers le semis direct, une technique de culture qui consiste à planter aux endroits cultivés l’année précédente sans retirer les résidus. La méthode traditionnelle de labour, quant à elle, pousse les résidus plus bas dans la terre et ceux-ci se désagrègent par fermentation plutôt que de se décomposer grâce à l’oxygène. Selon lui, à ce jour, environ un tiers des producteurs ont opté pour la méthode de semis direct.

M. Michon utilise un tracteur de 133 forces plutôt que 250 et n’a pas besoin de se servir de gros outils de travail. Il économise donc considérablement, notamment en achetant de trois à quatre fois moins de carburant en moyenne et en n’ayant pas à entretenir de grosses machineries. Il n’a pas non plus besoin de beaucoup d’engrais puisque sa technique diminue l’érosion qui réduit habituellement la quantité de minéraux.

Le producteur sème du seigle à l’automne comme culture de couverture et celui-ci produit des racines qui activent l’activité biologique du sol. La population de vers de terre est aussi importante et ils mangent les résidus des plantes. De plus, les plantes sécrètent de la glomaline, une sorte de colle qui permet de donner une meilleure structure au sol.

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