2 mars 2023 - 07:00
La séquestration et le captage du carbone : le leurre vert des pétrolières!
Par: Le Courrier
« Si vous ne pouvez les vaincre, joignez-vous à eux », dit un proverbe anglais. Comme la politique du déni climatique fonctionne de moins en moins, l’industrie pétrolière et gazière fait de grands efforts dans sa publicité pour tout peinturer en « vert ». Son puissant lobby influence profondément la politique des gouvernements du Canada et des États-Unis. À entendre les pubs de l’industrie et les discours de certains politiciens, on serait tenté de croire que la réduction de nos émissions de carbone s’est cristallisée en un mantra de ces compagnies soudainement devenues soucieuses de respecter les avertissements du GIEC.

Rien de moins sûr! Certes, ils utilisent les bons mots pour répondre à une anxiété généralisée face aux changements climatiques. Mais comme dans tout appât qui a l’air appétissant, c’est ce qui est dissimulé dans le non-dit qui est dangereux. Par exemple, c’est avec tambour et trompette que l’Alliance nouvelles voies annonce dans ses nombreuses pubs qu’elle « est présentement à l’œuvre pour faire progresser les premières étapes des travaux nécessaires à la construction de la plus importante infrastructure de captage et de stockage du carbone (CSC) à l’échelle mondiale, dans la région des sables bitumineux du nord de l’Alberta… en vue de réduire de 22 millions de tonnes par an d’ici 2030 les émissions provenant de l’exploitation des sables bitumineux et d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 ».

Examinons les mots « captage et stockage du carbone (CSC) » que l’on trouve dans leur communiqué. C’est l’hameçon à l’intérieur du beau ver dodu que l’industrie dandine devant les poissons que nous sommes. Le Plan de réduction des émissions du Canada a plusieurs volets, dont celui d’un crédit d’impôt pour la séquestration du carbone. Donc, l’Alliance nouvelles voies propose de capturer le carbone de chaque baril de pétrole au point où il est extrait du sol. L’astuce, c’est que moins d’émissions par baril signifie que ses membres pourraient augmenter le nombre de barils de pétrole produits tout en respectant ce plan canadien.

Mais ce Plan permet une belle échappatoire : la combustion des énergies fossiles dans un pays étranger n’est pas comptabilisée dans le bilan des émissions canadiennes de GES. Est-ce que ces compagnies pourraient également affirmer que notre pétrole canadien, consommé dans une voiture aux États-Unis ou en Asie, ne produira pas de carbone? Et que ce carbone ne grossira pas le bilan planétaire de ce gaz à effet de serre? Pourquoi est-ce les GES du pétrole canadien, qu’il soit brûlé ici ou ailleurs, n’entrent-ils pas dans l’équation climatique de la planète?

Comme cette séquestration du carbone est une technologie très dispendieuse et très controversée, 500 organisations et personnalités publiques ont mis en garde les gouvernements du Canada et des États-Unis. Ils affirment que le captage et le stockage du carbone ne sont pas une solution. Au contraire, c’est « une distraction dangereuse mise de l’avant par les grands pollueurs qui ont créé la crise climatique ». Un militant contre un projet de GNL au Texas, M. Hinojosa, a comparé cette technologie à un diachylon déposé sur une blessure par balle (« Band-aid on a bullet hole ») et une spécialiste australienne du carbone, Polly Hemming, a déclaré ce qui suit : « La séquestration du carbone a toujours été de l’écoblanchiment pour la production de pétrole et de gaz. Les crédits relatifs à la séquestration du carbone pour la production de gaz et de pétrole sont de l’écoblanchiment surajouté à de l’écoblanchiment. »

L’action proposée par l’Alliance nouvelles voies est claire : utiliser la très controversée séquestration du carbone pour réduire les émissions par baril, avec l’aide de tous ces crédits d’impôt aux frais des contribuables. De plus, une comptabilité créative permet de ne pas comptabiliser la production du carbone de notre pétrole lorsqu’il sort des systèmes d’échappement des autos en pays étrangers.

Coudonc! Je croyais qu’il fallait réduire la production mondiale de carbone pour minimiser les effets des changements climatiques. Le CSC serait-il un leurre vert qui cache l’hameçon d’une augmentation de la production des sables bitumineux?

Gérard Montpetit, membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM)

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