Difficile de croire que le conseil de la Ville de Saint-Hyacinthe en est réduit à interdire l’accès aux espaces publics de la sorte. À son image, le conseil a adopté le 18 janvier une résolution visant à doter le Service des loisirs d’un cadre de référence événementiel qui interdit tout événement « comme des rassemblements ponctuels récurrents (annuels) ou non récurrents, sur la place publique (site extérieur de propriété municipale) ou dans un bâtiment public (de propriété municipale) » en ce qui concerne « les activités extérieures de nature politique, syndicale ou religieuse [qui] sont des événements non autorisés sur la place publique extérieure ».
Pour les événements et organismes admissibles, la Ville exige aussi un délai minimal d’autorisation de 4 à 12 mois avant la tenue de l’événement qui devra également être approuvé par résolution au conseil. Vous ne pourrez donc pas vous réveiller un matin et demander de tenir un « événement » avant 4 mois minimum. Sortez vos agendas et consultez les météorologues, on est rendu en septembre pour les prochains événements si vous êtes chanceux, sinon en 2022.
Peur de qui, peur de quoi?
En d’autres mots, ni la députée provinciale, ni le député fédéral, ni même aucun des conseillers actuels ou candidats éventuels aux prochaines élections municipales, provinciales ou fédérales ne pourront désormais s’adresser aux citoyens dans un espace public maskoutain. Aucune association, syndicat ou organisme public ne pourrait tenir d’assemblée, de conférence de presse, d’activité d’information ou d’animation dans un parc ou une salle « de propriété municipale », aussi bien dire nulle part sauf dans une salle privée prêtée ou louée.
C’est à se demander ce que nos élus ont vu de dommageable ou de menaçant dans l’utilisation des lieux publics à des fins « publiques », c’est-à-dire lors d’événements qui s’adressent aux citoyens. Il s’agit d’une attaque directe et en règle au principe de liberté d’expression et d’association et à l’exercice de la démocratie.
À qui sont les espaces publics?
Les espaces publics sont des lieux physiques comme le Parlement ou l’Assemblée nationale, les écoles et universités, les bibliothèques, les rues ou les parcs et les espaces virtuels comme la radio, la télé ou les réseaux sociaux. Qui y parle? Qui y circule? Qui en fait usage? Qui les transforme? Poser ces questions, c’est examiner à quel point les espaces publics sont traversés par des enjeux de droits humains.
Les espaces publics sont des lieux d’échanges, de délibérations. C’est là que s’exerce, en grande partie, la démocratie. Mais il s’agit aussi de lieux d’usage où se rencontrent les citoyen(ne)s (au sens civique du terme), qu’elles et ils s’approprient, où se nouent des relations. Dans sa dimension pratique autant que dans sa dimension politique, l’espace public est un lieu essentiel qui permet aux individus et aux groupes d’être visibles et d’être des membres à part entière de leur société.
Interdire la tenue « d’événements » à caractère public revient à privatiser l’usage des espaces communs et à réduire l’expression d’une diversité de points de vue. Ce règlement marginalise les groupes évincés de ces lieux collectifs et exclut la délibération publique ainsi que la liberté d’expression et de représentativité. Ce règlement bafoue ces droits et contrevient sans doute à toute une panoplie de droits, notamment la Charte canadienne des droits et libertés.
En se voilant derrière la « neutralité » de sa politique événementielle, la Ville a pris position pour une approche d’exclusion. Ainsi, vous devez avoir une vocation commerciale pour vendre quelque chose, n’importe quoi sauf des idées, ou être un organisme reconnu par la Ville et « collaborateur ». Gare à vous si vous n’êtes pas de ceux-là, on vous contraint à l’invisibilité, vous n’êtes pas des citoyens « autorisés » à prendre la parole, car nos parcs et espaces publics sont « neutres ». La neutralité s’applique ici par l’absence, le non-droit d’usage.
Si la Ville peut légitimement réglementer pour assurer un bon usage des espaces publics, il ne manque pas de qualificatifs pour décrire cette décision abusive du droit municipal : censure, dérive autocratique, posture antidémocratique. Ce règlement a été adopté à l’unanimité par la Résolution 21-13 le 18 janvier par le maire Claude Corbeil et les conseillers David Bousquet, Stéphanie Messier, Linda Roy, Annie Pelletier, Claire Gagné, Donald Côté, Pierre Thériault, Bernard Barré, André Beauregard, et Jeannot Caron.
Nous, soussignés, demandons au Conseil municipal de Saint-Hyacinthe de modifier immédiatement cette règle d’usage. D’ici là, nous surveillerons toute sortie publique ou encore nous ferons appel à nos amis qui ont une grande, grande cour, dans le respect de ce qui sera permis par la santé publique en ces temps périlleux.
Diane Sergerie
Paul St-Germain
Camille Massy-Raoult
Pierre Béland
Jacques Lemoine
Sophie Brodeur
Alain Thiboutot
Sonia Chénier
Philippe Daigneault
Linda Lortie
Stéphanie Tremblay-Chapdelaine
Richard Gingras
Jacinthe Patry
David St-Amand
David Jutras
Jean-François Messier, agriculteur
Caroline Lippé
Pascal Audet
Geneviève Deslandes
Philippe Lorange
Suzanne Viens
Alyson Côté
François Martin
Richard Durand
Ginette Gauthier
Jordan Morin-Bernard
Roch Chartrand
Fernande Rondeau
Marie-Claude Pearson
Marc Dufour
Émilie Delcourt
Charles-Émile Fecteau
Hugo Cordeau
Naïla Gravel-Baazaoui
Haïfa Gravel-Baazaoui
Yangchen Sotse
Florence Cordeau
Lucie Gravel
Clémence Morissette
Julie Paré
Félix Préfontaine
Théodore Paré
Diego Alejandro Hernandez
Robert Marquette
Pierre Lemieux
Pauline Gévry