Surprise, elle a dû l’être en effet à la lecture de notre édition du 18 juillet, en voyant que nous avions consacré notre manchette aux récriminations d’une citoyenne – il y en a d’autres, rassurez-vous – dénonçant l’initiative municipale qui consistait à planter quelque 400 arbres sur l’emprise municipale, c’est-à-dire dans la bande de terrain se situant entre le trottoir ou la bordure de la rue et votre propriété. Cet espace appartient à la Ville et elle peut en disposer.
La citoyenne en question n’a rien contre les arbres, mais elle n’en souhaitait pas davantage devant sa résidence, elle qui n’a rien demandé à personne. Même si l’arbre est arrivé clés en main, puisque la Ville s’est chargée elle-même de son achat et de sa plantation, la dame n’a pas du tout apprécié. Et elle ne s’est pas gênée pour le dire.
L’essence de l’arbre ainsi que son emplacement à proximité des lignes électriques ne faisaient aucun sens, disait-elle. Ce qui n’a fait qu’ajouter à sa colère d’être placée devant le fait accompli.
Je l’avoue, je n’ai pas cherché longtemps le titre qui s’est retrouvé à la Une du journal: planter des arbres… et se faire planter. C’était un titre assez facile à trouver. Et je n’ai pas hésité longtemps à jouer cette nouvelle avec autant d’éclat, ce qui a pu étonner quelques lecteurs et le maire André Beauregard.
Mais j’ai assez d’expérience pour savoir que les lecteurs raffolent de ce genre de petite controverse. Car les journalistes auront beau éplucher des tonnes de documents et se lancer dans de grandes enquêtes sur nos décideurs, nos politiciens, nos institutions ou des organisations comme un CLD ou un Cégep par exemple, rien ne fait autant jaser qu’un déménagement de parc canin, des restrictions sur l’arrosage en juillet ou une plantation d’arbres non désirée dans un quartier mature. Tout le monde et sa sœur ont une opinion. Même notre chroniqueur Christian Vanasse!
J’ai poussé l’audace jusqu’à transporter cette affaire municipale de la plus haute importance sur notre site Internet où elle a fait l’objet de la question de la semaine : seriez-vous heureux qu’une municipalité plante un arbre devant votre résidence sans votre autorisation?
Au dernier décompte, plus de 300 lecteurs avaient pris la peine de sortir de leurs plates-bandes et de leur jardin pour y répondre. Et pour dire quoi? Dans une proportion de 67 %, ils ont répondu non. Voilà bien la preuve que le bonheur, tout comme l’argent, ne pousse pas dans les arbres.
J’ai fait l’exercice autour de moi et chez les gens d’un âge certain, disons chez les 40 ans et plus, je n’ai pas trouvé grand monde pour saluer l’initiative de la Ville de Saint-Hyacinthe. Attention, bien des gens ne diraient pas non à un arbre gratuit, et encore moins à ce que la Ville se charge de la plantation, mais la grande majorité souhaiterait avoir son mot à dire quant à l’essence et l’endroit approprié pour le mettre en terre.
L’idée de départ de la Ville de Saint-Hyacinthe n’était pas vilaine du tout, car tout le monde salue la décision de planter 400 arbres, mais encore aurait-il fallu s’assurer d’une certaine acceptabilité sociale. On n’y échappe plus en 2024. Tout mérite maintenant réflexion, consultation et approbation. C’est bête de même! On réalise plutôt, à la lecture du reportage de la journaliste Sarah-Eve Charland, que la Ville de Saint-Hyacinthe a pris le chemin le plus facile. La planification de la plantation a été réalisée à l’aide d’outils informatiques. Les essences des arbres ont été choisies en fonction de ce qui était déjà présent aux alentours pour permettre une bonne implantation avec les autres essences de végétaux et l’aménagement sur le terrain des résidents.
Mais personne à la Ville n’a pris la peine d’aller cogner aux portes des résidents des secteurs ciblés ni n’a songé un seul instant que ce cadeau écologique pourrait ne pas en être un pour certains.
C’est l’arbre qui cachait la forêt.