D’autres régions sont déjà bien aux prises avec cette espèce envahissante, dont Montréal et une bonne partie de la Rive-Sud. Malgré un sursis de quelques années, Saint-Hyacinthe n’y échappe pas non plus.
L’agrile est un petit coléoptère de couleur vert métallique qui s’attaque aux frênes en creusant des galeries sous l’écorce, ce qui finit par couper l’alimentation en sève de l’arbre et cause ultimement sa mort au bout de quelques années. Originaire d’Asie, l’insecte a été introduit en Amérique du Nord dans les années 1990 et s’y propage rapidement depuis, ravageant des milliers de frênes sur son passage.
Dans une lettre envoyée au COURRIER, Guy Laliberté avertit les Maskoutains que le paysage de leur ville va changer « très rapidement ». Les signes de la présence de l’agrile sont maintenant devenus évidents un peu partout en ville, observe Guy Laliberté. Lorsque la cime d’un frêne commence à perdre du feuillage, c’est une bonne indication que l’arbre est infecté, explique l’agronome. « L’hécatombe annoncée est bien commencée », résume-t-il.
Un exemple éloquent
Une simple visite dans la cour de l’école Larocque permet de réaliser la gravité de la situation. Plus de 25 frênes ceinturent le terrain de l’école, situé en bordure de la rue Dessaulles. Plusieurs montrent des signes évidents de maladie, observe Guy Laliberté, et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils disparaissent tous, transformant la cour d’école en un immense îlot de chaleur. Le sol est en grande partie asphalté et il n’y a pas d’autres grands arbres dans la cour d’école.
D’autres secteurs vont également en pâtir, comme le Parc des Enfants-de-la-Métairie, où des centaines d’arbres ont été plantés dans les dernières décennies, dont malheureusement un grand nombre de frênes. On retrouve également plusieurs arbres de cette essence dans les quartiers Saint-Sacrement et Assomption, ainsi que le long de certaines artères comme le boulevard Casavant. Tous ces secteurs risquent de se retrouver particulièrement dénués de végétation, alors que Saint-Hyacinthe est déjà « en déficit d’arbres si on nous compare à l’ensemble des municipalités de la Rive-Sud », avertit Guy Laliberté.
Lors du passage du COURRIER à l’école Larocque ce mardi, quelques frênes avaient été coupés et des travaux d’émondage étaient en cours. La Ville de Saint-Hyacinthe a donc apparemment commencé des interventions concernant l’agrile du frêne, mais il n’a pas été possible d’avoir plus de détails cette semaine sur son plan de match pour faire face au problème.
Guy Laliberté est convaincu que les opérations d’abattage vont « coûter une fortune » à la municipalité. Il évalue entre 500 et 600 $ le montant nécessaire pour abattre et essoucher un arbre, alors que la Ville doit engager un sous-traitant pour le faire, n’ayant pas les compétences à l’interne.
« Ça fait déjà deux ans qu’on sait que ça s’en vient. On aurait déjà dû faire des plantations dans les endroits sensibles comme les écoles », lance-t-il, accusant la Ville de n’être « pas proactive du tout » dans le dossier. Une politique de l’arbre a bel et bien été adoptée en 2015, un document auquel Guy Laliberté a même contribué. C’était un pas dans la bonne direction, mais les actions n’ont malheureusement pas suivi, analyse aujourd’hui le professeur de l’ITA.
Pourtant, il ne s’agit pas que d’une question esthétique ou d’une volonté d’avoir une ville verte, c’est la santé des Maskoutains qui est en jeu, estime Guy Laliberté, se basant sur de récentes études américaines. La mort de milliers de frênes là-bas a permis d’étudier le lien entre la santé forestière du territoire et le niveau de mortalité de ses habitants. Résultat : la disparition des arbres a été associée à des milliers de décès supplémentaires liés aux maladies respiratoires et cardiovasculaires. L’information a été reprise par l’Institut national de santé publique du Québec.
Quoi faire?
Un traitement insecticide contre l’agrile existe, mais son coût élevé est prohibitif pour un usage à grande échelle, et il n’est efficace qu’en prévention. La Ville de Saint-Hyacinthe a fait appliquer cet insecticide à une cinquantaine de frênes en 2015, mais sans un renouvellement tous les deux ans, les frênes redeviennent à la merci de l’agrile. Un autre traitement qui met à profit un champignon pour lutter contre l’insecte ravageur semble prometteur, mais il n’est pas encore homologué par Santé Canada.
Le conseil de Guy Laliberté pour ceux qui, comme lui, ont un ou plusieurs frênes sur leur terrain est clair. « Il est de mise actuellement que vous fassiez un choix rapide, soit de planter tout de suite des arbres qui vont remplacer vos frênes ou de faire appliquer un traitement préventif », écrit-il. Il déplore toutefois que la Ville n’offre pas d’aide financière aux citoyens qui voudraient faire traiter un frêne sur leur terrain, contrairement à Montréal par exemple, qui rembourse 50 % du traitement. Pour ce qui est du choix de l’essence de remplacement, le plus important est de miser sur la variété, insiste-t-il.
Guy Laliberté s’en remet donc aux Maskoutains eux-mêmes pour faire face au problème. « À vos pelles citoyennes, c’est le temps de planter beaucoup d’arbres à Saint-Hyacinthe la Jolie! », lance-t-il.