8 septembre 2022 - 07:00
L’appauvrissement des plus pauvres : un enjeu fondamental de notre société
Par: Le Courrier
Nous subissons une diminution de nos revenus avec l’augmentation des prix. Notre pouvoir d’achat et notre niveau de vie sont très affectés. Le coût est plus élevé pour nous nourrir, pour nous loger, pour nous transporter, pour la restauration, pour les loisirs, etc.

Pour certains, cela conduit à s’endetter et à se serrer la ceinture. Cette réalité est aggravée si vous vivez de l’aide sociale ou si vous êtes une personne retraitée avec peu de revenus. Sur l’aide sociale, une personne reçoit comme montant de base 726 $ par mois, donc 8712 $ par année. Avec une telle somme, comment faire face à l’imprévu et faire des choix réels pour subvenir à ses besoins ? « Le revenu net viable pour une personne seule est de 25 000 $ » pour Philippe Hurteau, chercheur à l’Iris (Radio-Canada, 12 avril 2018).

Le Collectif d’action populaire Richelieu-Yamaska (CAPRY), qui souligne cette année 45 ans en continu de défense des droits des personnes assistées sociales et à faible revenu dans la région de Saint-Hyacinthe, rappelle qu’à travers ces années, il y a toujours eu des revendications auprès des gouvernements pour augmenter ces revenus.

Parmi des luttes célèbres, il y a eu, dans les années 80, la lutte contre l’intervention des « Boubou Macoutes » qui étaient des inspecteurs du gouvernement qui faisaient des vérifications en s’introduisant dans les maisons et en ne respectant pas la vie privée; la lutte pour la parité à l’aide sociale pour les moins de trente ans (1985); la Marche du pain et des roses, dont la dénonciation de l’appauvrissement des femmes (1995); l’adoption populaire de la proposition de loi du Collectif pour l’élimination de la pauvreté (2000); la Loi 112 pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2002); le Premier plan de lutte à la pauvreté lié à la Loi 112 par le gouvernement du Québec (2004); le dépôt à l’Assemblée nationale d’une pétition de 100 000 signatures pour la campagne Mission collective : bâtir un Québec sans pauvreté du Collectif pour un Québec sans pauvreté (2009).

Rappelons que ces efforts historiques se sont constamment butés à des préjugés envers ceux qui subissaient la pauvreté. Ces préjugés et l’insuffisance de l’appui par la classe moyenne au Québec auprès des personnes à faible revenu ont permis aux divers gouvernements québécois de construire des projets de loi en s’appuyant sur l’idéologie suivante : il y a les « mauvais pauvres », qui sont ceux qui sont sans contraintes à l’emploi, et les « bons pauvres », qui sont ceux ayant des contraintes sévères à l’emploi reconnus par le Ministère. On utilisera alors parfois la carotte ou le bâton pour forcer des retours au travail.

En créant des catégories entre les bénéficiaires de l’aide sociale, nous sommes loin de l’esprit de la loi d’aide sociale, fondée en 1969, établissant le droit à l’assistance pour tout individu. Le droit d’être nourri ne se marchandait pas avec ta capacité ou non de travailler. Aujourd’hui, ce droit à « pouvoir » se nourrir a glissé vers le droit « d’être nourri ».

Le respect des droits des personnes assistées sociales et à faible revenu est à mon sens le critère le plus important pour mesurer la qualité de notre vie en société. Tant qu’il y aura des personnes en situation de pauvreté, tant que les droits de base comme celui de se nourrir, de se soigner, de se loger, de se vêtir ne seront pas respectés, la société québécoise ne pourra pas se vanter d’être une société qui a réussi. C’est d’abord à ce critère que les gouvernants doivent se référer prioritairement et non au produit national brut du pays pour mettre en place des politiques qui protégeront ceux qui sont en situation de vulnérabilité.

La déclaration de Claude Ryan, grand politicien, en 1969 demeure toujours d’actualité. « Rien de tout cela ne règle cependant le problème des assistés sociaux. Ceux-ci souffrent injustement. Leur misère a trop duré. Il faut absolument que le gouvernement s’occupe d’eux, sans tarder. Telle est, pour le Québec, la première, la plus urgente, la plus grave des priorités. »

À l’occasion des prochaines élections provinciales qui se tiendront le 3 octobre, le CAPRY demande que des politiques cohérentes soient mises en place pour aider la population à vivre dans une société plus juste, plus équitable, plus instruite, plus respirable, plus en santé et plus humaine. Pour y arriver, les priorités doivent viser l’amélioration du revenu des plus démunis et le développement de services sociaux avec minimalement un engagement à ne pas appauvrir les plus appauvris dans notre société. De plus, nous exigeons la réduction des écarts entre les riches et les pauvres et une richesse mieux partagée.

Jean-Paul St-Amand, président du Collectif d’action populaire Richelieu-Yamaska

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