Dans une entrevue téléphonique exclusive accordée au COURRIER, le propriétaire de la Villa St-Joseph, Guillaume Dumas, s’est réjoui des effets de cette approche. Parmi les 48 cas confirmés chez les résidents, déjà 28 d’entre eux étaient guéris mardi et il ne restait plus que 19 cas positifs à ce moment. Malgré tous leurs efforts, une personne est tout de même décédée après avoir contracté la COVID-19. Puis, de la dizaine d’employés affectés, plusieurs revenaient progressivement au travail.
Dans une volonté de transparence, M. Dumas a même proposé au COURRIER de lui ouvrir les portes de sa résidence pour apprécier la situation sur le terrain. « Les gens sont surpris de voir que la majorité des personnes vont bien », dit-il au bout du fil.
Avec quelques chambres vacantes et une contamination surtout présente au second étage de la résidence, il a été possible pour la résidence maskoutaine de créer deux zones, soit une chaude et une tiède. Ainsi, la majorité des cas négatifs ont été rassemblés dans une même zone – à l’exception de quelques-uns rapatriés chez des membres de leur famille ou qui ont été transférés dans une autre résidence saine du même propriétaire du côté de Longueuil -, puis tous les cas positifs se sont retrouvés dans une autre zone. Les deux zones ne communiquent pas.
« Normalement, les cas positifs sortent du milieu sain pour aller dans une zone de confinement [comme à l’unité du Parc, à l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe]. De notre côté, on a adopté la stratégie de créer une zone chaude. Donc, au lieu d’être confinés à leur chambre, les résidents [atteints de la COVID] peuvent marcher librement et aller à la salle à manger sans danger parce qu’ils sont seulement avec d’autres gens positifs. Le résultat est que les gens ont repris du poil de la bête dans le temps de le dire. »
Les personnes qui ont obtenu un résultat négatif sont suivies quotidiennement pour qu’elles soient retirées de la zone tiède advenant l’apparition de symptômes. Les résidents positifs sont quant à eux accompagnés en recevant tous les soins nécessaires, assure le propriétaire des lieux.
Des employés dévoués
Tout au long de cette crise, la Villa St-Joseph a pu compter sur la présence de la Dre France Larivière, qui traite déjà la plupart des résidents. « Elle a même dormi sur place », souligne avec reconnaissance Guillaume Dumas.
Au cours des deux dernières semaines, les infirmières, infirmières auxiliaires, préposées aux bénéficiaires et aides de service ont mis l’épaule à la roue, commençant plus tôt ou terminant plus tard que leur quart de travail régulier. Certains employés ont parfois même cumulé deux quarts de travail lors des journées les plus critiques. Le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est a également déployé des effectifs sur tous les quarts de travail pour appuyer les équipes déjà en place, en plus d’approvisionner la résidence avec tout le matériel de protection individuelle nécessaire.
« Ça nous a permis de donner des soins avancés sans avoir à déraciner les gens. C’est incroyable ce qu’on a fait, affirme M. Dumas. Selon moi, c’est ça la grande nouvelle. Si on avait pris l’approche traditionnelle de déraciner les résidents, ils auraient été confus parce qu’ils n’auraient plus eu leurs repères, alors que là, ils sont dans leurs affaires et libres de circuler dans leur zone rouge. Ça fait en sorte que […] les gens sont quand même souriants et heureux et que la grande majorité va bien. »
D’une certaine manière, le fait d’avoir près de la moitié de ses résidents infectés a facilité la création de deux zones, reconnaît-il. Si la résidence avait seulement eu quelques cas isolés, il aurait été plus difficile de faire cette séparation et ils auraient dû transférer les résidents sur des unités externes.
L’ennemi invisible
À savoir comment le nouveau coronavirus a pénétré à l’intérieur de la résidence, le mystère demeure entier. « Ça peut être un simple visiteur ou un employé », laisse tomber M. Dumas. Mais comme plusieurs personnes sont asymptomatiques, le virus peut réussir à se propager jusqu’à ce qu’une première personne développe des symptômes et sonne l’alerte, explique-t-il. Ce n’est qu’à la suite de la découverte des premiers cas, puis d’un dépistage massif plus tard, qu’ils ont pu découvrir l’ampleur de la situation à la Villa St-Joseph.
Selon le propriétaire, il faut toutefois voir au-delà des chiffres. « Il y a un risque que ça puisse se produire dans tous les milieux de vie pour aînés présentement. L’important, c’est surtout la manière dont on va gérer ça. »
Une équipe en prévention des infections envoyée par le CISSS de la Montérégie-Est a par ailleurs confirmé à la suite d’un audit que toutes les mesures étaient adéquates à la Villa St-Joseph.
Avec des facteurs bien différents de la première vague, dont le fait que les activités ont repris dans la communauté et qu’il est permis pour les résidents d’entrer et de sortir, il devenait plus probable de faire face à une telle situation, croit M. Dumas.
« On gère le risque, mais on ne l’élimine pas. Pour l’éliminer, il faudrait que les gens soient confinés encore », soutient-il. L’un dans l’autre, les deux comportent leur niveau de risque puisque l’isolement peut entraîner à son tour un « déconditionnement qui peut être aussi dommageable que la COVID », plaide M. Dumas. « On doit se battre autant contre le déconditionnement, sinon plus, que contre la COVID elle-même. » Et avec toutes les mesures déployées en réponse à l’éclosion qui a frappé sa résidence, il croit avoir réussi à livrer bataille sur les deux fronts.