Au cours du dernier siècle, au niveau senior, il a officié plus de 900 parties, dont 767 au sein de la LNAH où il fait figure de doyen pour le nombre de matchs en tant qu’arbitre en chef. Il a d’ailleurs été honoré récemment par les dirigeants du circuit pour l’ensemble de sa carrière et ses nombreux faits d’armes. À commencer par ses 22 participations à la finale des séries éliminatoires et sa sélection lors de la Coupe Allan de 2004 où il avait été d’office pour l’une des deux demi-finales.
Plus qu’une carrière enviable, c’est l’homme respecté, intègre et dédié à la sécurité des joueurs que la ligue, ses collègues et les joueurs ont souligné de belle façon. Un arbitre qui a quitté « la game » de façon élégante et discrètement au terme du dernier match de la grande finale disputée le printemps dernier.
« Je ne voulais pas attirer l’attention, faire la saison de trop ou finir ma carrière sur une blessure. Seul mon superviseur était au courant. La grande qualité d’un arbitre en chef est sa capacité à se faire oublier dans un match. Je voulais donc finir sur une bonne note et c’est ce qui est arrivé », a confié au COURRIER celui qui occupe un poste d’enseignant et de représentant en santé et sécurité à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe.
Arbitre par la bande
Étonnement, Luc Durand n’avait jamais joué au hockey organisé dans son patelin natal de Saint-Tite, en Mauricie, avant de découvrir les grandes joies et les petites misères de l’arbitrage par la bande, au détour d’un emploi comme marqueur au banc de l’annonceur. « C’est sans doute la meilleure école pour se préparer à une carrière d’arbitre. C’est une bonne immersion : on côtoie les arbitres, on apprend à reconnaître les signaux et à comprendre la dynamique du match en voyant toutes les interactions sur la glace. On voit du bon… et du moins bon! »
C’est parce que les intéressés à porter le gilet zébré étaient déjà peu nombreux il y a 35 ans qu’il commence sa carrière comme juge de ligne dans les ligues de bière et au hockey mineur, une jobine qui l’occupe pendant ses études collégiales.
Il gravit ensuite les échelons comme superviseur, puis œuvre dans la ligue universitaire, collégiale, junior AA et midget AAA. Il possède aujourd’hui son grade de niveau 6, le plus haut niveau qu’un arbitre peut obtenir au Canada. « Plus tu montes dans le hockey, meilleure est la game. Tu comprends aussi avec le temps et l’expérience que tu n’es pas là pour faire le spectacle, mais pour laisser le talent s’exprimer et surtout pour protéger les joueurs. »
Un peu avant le tournant des années 2000, on lui offre de faire le grand saut dans la Ligue semi-professionnelle de hockey, l’ancêtre de la LNAH. C’est à une époque où cette ligue senior réputée pour la bagarre et les foires n’avait pas très bonne réputation, se souvient-il. Son superviseur comptait sur lui et sur quelques autres pour redorer cette image en misant sur des arbitres compétents.
Bien modestement, il croit y avoir contribué. Il ne manque cependant pas de souligner le travail de ses collègues. « Sans des juges de lignes de qualité, tu ne vis pas comme arbitre en chef, tu ne peux pas t’en sortir. Il faut être bien entouré et j’ai eu la chance de l’être. »
Il conserve beaucoup plus de bons que de mauvais souvenirs de ses années en tant qu’arbitre. Il ne s’est jamais senti menacé, même s’il a reçu sa part de commentaires désobligeants en cours de route. Il faut dire que des gestes disgracieux et des débordements, il en a vu de près quelques-uns.
La partie continue
Et a-t-il rêvé à un moment ou à un autre des grandes ligues professionnelles, voire de la Ligue nationale de hockey? « Je ne pense pas que j’avais le talent ni la détermination requise pour atteindre la Ligue nationale et m’imposer tous les sacrifices que cela exige. J’ai fait le maximum avec ce que j’avais. »
On le devine, sa routine de vie a changé du tout au tout depuis qu’il a pris sa retraite. Terminé pour lui les déplacements tous les week-ends, les (mauvais) repas pris sur le pouce et la pression qui vient avec le métier. « J’ai fait ma part et, sans le support de ma famille, j’aurais lâché bien avant. À cause du hockey, j’ai mis des amitiés de côté et manqué bien des moments en famille. J’ai maintenant envie de me reprendre et de vivre un peu », mentionne le père de trois enfants âgés de 13 à 19 ans qui ne suivent pas ses traces, du moins pour l’instant.
« Oui, je les encouragerais à essayer l’arbitrage, sans les pousser. Ce métier m’a apporté plein de si belles choses, des souvenirs inoubliables et surtout de belles et de grandes amitiés. J’ai aussi voyagé pas mal et côtoyé bien du bon monde de hockey. Je continue d’aimer la game et l’arbitrage, même si je me tiens toujours très loin des parents quand j’assiste à un match de hockey à l’aréna. »
C’est hors de la glace qu’il souhaite maintenant faire œuvre utile auprès des arbitres de la relève à qui il passe le sifflet. Comme superviseur régional des arbitres des ligues midget AAA et collégiale, il retire beaucoup de fierté à encadrer et à suivre la progression de ses poulains.
« Il ne faut pas faire ça pour la gloire ou l’argent. Il faut d’abord faire ce métier pour l’amour du sport. Cette passion qui m’habite toujours, j’essaierai maintenant de la transmettre de mon mieux. La partie ne s’arrêtera pas avec moi, vraiment pas! »