M. Laliberté a entrepris de créer, sur le site du centre équestre Équi-Folie, du 1560, chemin Petit Rang à Sainte-Marie-Madeleine, des installations qui marient l’agriculture à la fabrication de bitcoins, selon ce qu’a pu constater la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).
Dans un préavis d’ordonnance que la Commission a transmis le 17 avril à M. Laliberté et aux autres intéressés dans le dossier, la Commission souligne que l’exploitation d’une mine de cryptomonnaie ne constitue pas une activité agricole et qu’elle ne peut donc être tolérée à cet endroit, et cela même si cet équipement était relié à une serre.
« Bien qu’une partie de ce projet anticipe l’exploitation de serres par le recyclage de chaleur produite par le centre informatique, cette activité agricole reste en soi un accessoire a un projet de nature purement commerciale pouvant fonctionner de façon autonome. […] Vous devez cesser immédiatement les travaux et l’usage dérogatoires », tranche Me Philippe G. Hémond, de la Direction des affaires juridiques et des enquêtes à la CPTAQ.
Se prévalant du délai de 10 jours qui lui était accordé pour répondre à la Commission, Benoit Laliberté s’est manifesté le 25 avril, par l’envoi d’une lettre signée par Gilles Poliquin, directeur des affaires corporatives de son entreprise, la société Unided American Corp.
« Nous comprenons que vos affirmations sont basées sur un article paru dans le journal La Presse, édition du 16 janvier 2018. Il ne faut toutefois pas confondre les opérations agricoles menées par les intervenants avec des opérations dont les installations sont prévues en zone blanche. Il ne s’agit pas du même projet », peut-on lire dans la réponse qui a été transmise à la CPTAQ et dans laquelle M. Poliquin demande la tenue d’une audition devant la Commission. « Dans l’intérim, les intervenants poursuivront leurs activités agricoles », prévient-il.
Dans sa lettre, il n’est question nulle part de cryptomonnaie. Le projet y est décrit comme une opération essentiellement agricole. « Il appartient à l’entreprise agricole d’utiliser à sa discrétion les fonctions informatiques/télématiques des modules/radiateurs qui ont, eut égard à l’exploitation agricole, la fonction principale de générer la chaleur nécessaire afin de chauffer les serres », soutient l’auteur.
Pourtant, en janvier 2018, La Presse avait titré « L’entrepreneur controversé Benoit Laliberté se lance dans les bitcoins ». Dans son article, le journaliste Jean-Sébastien Gagnon rappelait d’abord que l’homme d’affaires avait été reconnu coupable de fraude fiscale et de délit d’initié dans les années 2000 (affaire Jitec). M. Laliberté lui avait décrit les dômes de toile conçus pour abriter les puissants serveurs informatiques de cryptage et pour évacuer la chaleur intense qu’ils produisent, grâce à un ingénieux système de climatisation utilisant la fraîcheur naturelle du sous-sol. « Les bâtiments seront construits sur des terres agricoles, qui sont moins chères que des terrains industriels. […] Il s’agira de structures semi-permanentes qui ne nécessiteront pas des permis de construction, mais plutôt des permis d’installation », avait-il précisé.
En mars 2018, UnitedCorp a diffusé un communiqué annonçant que les dômes devant abriter les mines de cryptomonnaie (blockchain) seraient jumelés à des serres profitant de la chaleur produite par les ordinateurs et assurant le maintien de la température à 20 °C durant toute l’année. On précisait que le premier de ces assemblages était en construction au Québec, en vue de l’exploitation de ce système à large échelle.
Joint au téléphone par LE COURRIER, Benoit Laliberté n’a pas voulu parler de son projet de Sainte-Marie-Madeleine. « Je ne sais pas quoi vous dire, vous me parlez d’informations qui sont de nature confidentielle. C’est du coulage d’informations confidentielles par la CPTAQ et à ce stade, c’est un peu perturbant. Tout ça est encore de nature privée et vous voulez rendre ça public. On semble essayer de créer un problème là où il n’y en a pas », a-t-il commenté.
À ce jour, la municipalité de Sainte-Marie-Madeleine a reçu cinq demandes de permis de construction pour des assemblages dômes-serres, mais n’en a délivré aucun. Elle a également mis en demeure Benoit Laliberté de cesser tous les travaux qu’il a entrepris au 1560, Petit Rang. « Nous n’avons pas le choix : pour bâtir un dôme en zone agricole, ça prend l’autorisation de la CPTAQ. Le but premier du promoteur, ce n’est pas de chauffer des serres, c’est de fabriquer de la cryptomonnaie à l’aide d’un système incompatible avec la zone agricole », affirme le maire de Sainte-Marie-Madeleine, Gilles Carpentier.
Parmi les personnes morales interpellées par la CPTAQ dans cette affaire, on retrouve aussi la Coopérative régionale d’électricité de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville puisqu’elle consent à alimenter en électricité les ordinateurs de M. Laliberté. « Nous regardons toutes les occasions que le concept des chaînes de bloc (minage) apporte en respect de nos capacités en énergie autorisées par Hydro-Québec et de nos installations de réseau selon les secteurs », peut-on lire dans le rapport que la Coop a distribué à ses membres à son assemblée annuelle du 19 avril.