Rappelons qu’à trois reprises dans les dernières années, le gouvernement fédéral a concédé certaines parts de marché sous gestion de l’offre à ses partenaires commerciaux dans des traités de libre-échange, que ce soit avec le plus récent Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), celui avec l’Union européenne (AECG) ou le Partenariat transpacifique (PTP).
Même si les partis politiques canadiens ont depuis exprimé leur intention de ne plus ouvrir de nouvelles brèches dans la gestion de l’offre à l’avenir, le député de Saint-Hyacinthe-Bagot et porte-parole du Bloc québécois en matière de commerce international, Simon-Pierre Savard-Tremblay, affirme qu’on doit aller plus loin que les simples « promesses » et inscrire cette obligation dans la loi.
Avec son collègue Yves Perron, député de Berthier-Maskinongé et porte-parole du parti en matière d’agriculture, il défend ainsi le projet de loi C-216 avec l’appui de producteurs de la région.
Après les concessions passées, c’est maintenant « l’intégrité et l’intégralité » du système de gestion de l’offre qu’il faut absolument préserver, a soutenu en entrevue M. Savard-Tremblay. Pour lui, ce modèle agricole a fait ses preuves et fonctionne pour les producteurs comme pour les consommateurs canadiens. Au Canada, il est appliqué dans le secteur des produits laitiers, de la volaille et des œufs.
Secteur stratégique… ou même vital?
Après tout, l’agriculture est une « industrie fondamentale » et « on ne peut la traiter comme un marché comme les autres », a aussi affirmé le député de Saint-Hyacinthe-Bagot, défendant le principe de souveraineté alimentaire. Or, en négociant les derniers traités de libre-échange, « le gouvernement a carrément mis notre modèle agricole sur la table en échange de compensations, et tarde en plus à les donner », a-t-il déploré.
De toute manière, « les chèques, même s’ils sont nécessaires en ce moment, sont temporaires et ne vont jamais pouvoir remplacer » la gestion de l’offre. Sinon, « on s’en va vers un autre système, celui de l’agriculture subventionnée, comme aux États-Unis », a averti Simon-Pierre Savard-Tremblay.
La question risque de se poser à nouveau dans le cadre de négociations actuellement en cours avec les pays d’Amérique du Sud (Mercosur) puisque le Brésil, un important producteur de bœuf, pourrait sans doute reluquer le marché canadien, met également en garde le député. Peu d’informations sont disponibles sur ces pourparlers puisque ce processus se fait toujours dans la plus grande opacité, dit-il.
Le projet de loi doit revenir à la Chambre des communes le 10 mars pour une adoption de principe, préalable à l’étude en comité, a indiqué M. Savard-Tremblay. Déjà, les conservateurs ont exprimé des doutes sur la constitutionnalité du projet de loi, mais il les invite tout de même à l’appuyer à ce stade-ci, quitte à l’amender par la suite.
Quant aux libéraux fédéraux, le premier ministre Justin Trudeau s’est déjà engagé publiquement à ne plus toucher à la gestion de l’offre après la dernière série de négociations internationales. Il l’avait même fait ici à Saint-Hyacinthe en janvier 2019 à l’occasion d’une assemblée publique où une productrice laitière de la Montérégie l’avait interpellé sur cet enjeu. « Accord après accord, trois fois nous avons été les perdants. J’espère que vous êtes pleinement conscient des dommages que vous avez causés », lui avait-elle lancé avec émotion, avant que M. Trudeau ne lui promette de ne plus « porter aucune atteinte » aux producteurs laitiers dans le cadre de futures négociations.