7 janvier 2016 - 00:00
Le climat et l’éléphant
Par: Le Courrier

Parle-t-on assez des changements climatiques dus à ­l’action humaine? En parle-t-on trop? Fin novembre et ­début décembre, au moment de la COP21, les médias ne ­parlaient que de climat et de gaz à effet de serre. Qu’en est-il maintenant?

Selon ses sources d’information, le ­citoyen ordinaire va en recevoir un écho plus ou moins lointain : ces tornades qui ravagent le sud des États-Unis hors ­saison, ces inondations qui dévastent le nord de l’Angleterre, sont-elles de simples événements tragiques, ou la marque des perturbations climatiques de plus en plus fréquentes, de plus en plus marquées?

Les médias qui accordent une attention à la dimension scientifique de l’actualité sont peu nombreux et ont peu d’auditoire, hélas! Quant à l’ensemble des moyens d’information, tout comme la plupart des personnalités publiques, ils semblent ne pas voir l’éléphant qui se tient au milieu de la pièce : les changements climatiques sont déjà présents dans notre quotidien, ils devraient ­colorer toute notre vision de l’avenir, et être la pierre de touche de chaque ­décision prise en matière d’économie, d’urbanisation, de transport, de ­logement, bref de tous les aspects du ­développement et de la vie quotidienne.

Ne pas voir l’évidence, ne pas en parler, repousser à plus tard les décisions ­difficiles, c’est faire preuve d’une grave irresponsabilité. Les grandes déclarations faites à Paris en décembre risquent de n’être que de la poudre aux yeux si notre responsabilité climatique ne fait pas partie du discours politique, du débat public, de notre quotidien.

Par où commencer? Par des choses simples, comme les nouvelles à la radio ou à la télévision : quand on parle de la circulation automobile à l’heure de pointe, pourquoi ne pas signaler par exemple que 1,5 million de véhicules sont en train de circuler dans la région métropolitaine, et que cela ­équivaudrait à tant d’autobus, de rames de métro ou de wagons de trains de banlieue, soit une réduction de X % de la pollution atmosphérique?

Et amener une discussion sur l’urbanisme, la densification du centre-ville, le développement économique des villes de banlieue et des régions plus lointaines?

Et oser confronter nos dirigeants qui se donnent une image verte, mais sont ­incapables de dire non aux projets ­dévastateurs que sont l’exploitation des hydrocarbures au Québec et la construction de l’oléoduc Énergie Est de TransCanada, dont le seul objectif est de favoriser l’expansion des sables ­bitumineux de l’Alberta?

Les bilans de l’année qui vient de s’achever prennent-ils en compte l’état pitoyable de notre planète, l’urbanisation sauvage qui entasse des millions de ruraux sans terre dans des conditions de pollution extrême de l’air et de l’eau, et les conflits, souvent liés à la dégradation des milieux de vie, qui jettent sur les routes des millions de réfugiés? Le souligner, montrer notre responsabilité et le rôle que nous pouvons jouer en tant qu’habitants privilégiés d’un pays calme et prospère, devrait être la base du travail d’information dans tous les médias.

Allons-nous enfin voir l’éléphant au milieu de la pièce? Allons-nous l’examiner, en parler, et travailler à nous en ­débarrasser?

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