Pour cette pièce, le comédien s’est intéressé à la détresse psychologique chez les producteurs laitiers du Québec. « Pourquoi y en a-t-il autant? », s’est-il demandé après avoir fait la rencontre de la chercheuse, qui venait de terminer un doctorat sur le sujet, lors du festival d’arts vivants OFFTA. Ce simple questionnement s’est transformé en une quête, une recherche de près de six ans que le comédien transpose maintenant sur scène.
Sous fond de manifestations contre l’importation de lait diafiltré, de signature d’un nouvel ALÉNA et de retrait des produits laitiers du guide alimentaire canadien, Justin Laramée a plongé tête première dans cet univers agroalimentaire et ses nombreux enjeux.
« Il y avait énormément de choses qui se passaient en même temps, souligne le créateur de Run de lait en entrevue téléphonique avec LE COURRIER. Devant cette table pleine de mouvements, de déchirures et de questionnements autour de la production laitière, on s’est dit allons-y. Je n’y connais rien, mais plongeons, essayons de comprendre pourquoi on a perdu la moitié des fermes laitières au Québec depuis 20 ans, pourquoi il y a de la détresse psychologique et pourquoi on est parmi les derniers au monde à avoir un système de gestion de l’offre dans le secteur laitier. Et ça a donné le spectacle qui roule maintenant depuis un an. »
Après avoir joué Run de lait d’abord à Montréal et à Québec, Justin Laramée a récemment entamé une tournée de la province qui l’amènera à Saint-Hyacinthe le vendredi 29 septembre, sur la scène du Centre des arts Juliette-Lassonde.
« Le cœur du projet vient de Saint- Hyacinthe », fait-il remarquer en évoquant notamment sa rencontre avec la directrice adjointe de l’organisme Au cœur des familles agricoles et l’omniprésence des fermes laitières dans la région.
« De plus, la ferme [familiale] de mon camarade de scène [Benoît Côté] est à Saint-Hyacinthe, poursuit-il. Tout est lié. C’est un grand plaisir et un honneur d’enfin venir jouer à Saint-Hyacinthe, le berceau de l’agriculture au Québec. »
Bien que le sujet puisse paraître aride, le spectacle touche à l’humour et se veut une comédie, indique le comédien.
« Le moteur du spectacle, c’est un gars de la ville un peu perdu qui met le pied dans l’engrenage d’un thème agroalimentaire hyper complexe et hyper important et qui essaie de le comprendre dans toute sa maladresse, sa bonhomie et sa curiosité », raconte-t-il.
Le Maskoutain Benoît Côté – dont le père est le conseiller municipal du district Sainte-Rosalie, Donald Côté – l’accompagne sur scène tout au long de la pièce. En plus d’assurer l’ambiance sonore, l’artiste multidisciplinaire interagit avec lui le temps de quelques répliques.
« Au départ, on pense qu’il est juste un musicien, mais plus le spectacle avance, plus il prend de la place, mentionne Justin Laramée. Il me corrige sur la posture, voire la condescendance, qu’ont parfois les urbains par rapport à l’agriculture et c’est justement de ça qu’on veut parler. On veut parler du nous, du ensemble et défaire les barrières entre la grande ville et ceux qui nourrissent la ville. »
Son camarade de scène a d’ailleurs été partie intégrante de Run de lait dès ses balbutiements.
« On est de grands amis depuis plus de 20 ans. Ce projet-là n’a jamais été imaginé sans Benoît, poursuit Justin Laramée. En plus de venir de la campagne, Benoît est l’un des plus imposants cerveaux que je connais. Il possède énormément de connaissances. Ça peut autant être dans la littérature du 16e siècle que la manière de faire accoucher une vache. Il a été très utile [pour la conception de cette pièce], autant avec ses connaissances que pour créer le narratif. »
Le projet de Run de lait a d’ailleurs incité le duo à répéter l’expérience en s’intéressant à une autre industrie du milieu agroalimentaire, soit celle de la production porcine.
« On a commencé l’enquête sur Temps de cochon, qui traitera de l’effondrement de notre industrie porcine avec, entre autres, la fermeture [des usines d’Olymel] de Vallée-Jonction et de Princeville. On se demandera aussi pourquoi on a construit notre deuxième plus grosse production agricole sur l’exportation », titille Justin Laramée, en mettant la table à cet autre projet de longue haleine.