9 novembre 2017 - 00:00
Le courage en agriculture
Par: Le Courrier
Nathalie Roy, photographe  Crédit : Pierre Pinard

Nathalie Roy, photographe Crédit : Pierre Pinard

Nathalie Roy, photographe  Crédit : Pierre Pinard

Nathalie Roy, photographe Crédit : Pierre Pinard

Sur cette entreprise agricole, on a opté pour le semis direct. Cette méthode de culture favorise entre autres le maintien des sols à proximité de la rivière Noire en limitant l’érosion et la formation de ravines et rigoles. Photo : Nathalie Roy | MRC ©

Sur cette entreprise agricole, on a opté pour le semis direct. Cette méthode de culture favorise entre autres le maintien des sols à proximité de la rivière Noire en limitant l’érosion et la formation de ravines et rigoles. Photo : Nathalie Roy | MRC ©

Guy Lapointe Photo : Nathalie Roy | MRC ©

Guy Lapointe Photo : Nathalie Roy | MRC ©

En collaboration avec la MRC des Maskoutains, Le Courrier présente une série d’entrevues réalisées avec 16 producteurs agricoles qui, à l’été 2016, ont participé au projet Le photographe est dans le pré. Ces producteurs étaient jumelés avec des photographes du Club Photo Saint Hyacinthe. Par leurs images, ils devaient valoriser le travail de ces agriculteurs, sensibles à la préservation des ressources, qui ont mis en place de bonnes pratiques agroenvironnementales sur leur ferme. Les agriculteurs participants s’impliquent tous bénévolement au sein d’un comité de bassin versant de la MRC. Consultez le site Internet de la MRC pour en savoir plus sur ce projet.


Cette entrevue avec Guy Lapointe, qui possède des terres agricoles à Saint-Valérien de Milton et à Upton, est la dixième de la série. Il était jumelé à la photographe Nathalie Roy.
Du courage, Guy Lapointe en a littéralement semé depuis sa tendre enfance sur sa ferme, une ferme occupée par sa famille depuis quatre générations. En effet, alors que son père décédait à 39 ans d’un accident de ferme, laissant sa mère veuve avec huit enfants, Guy allait à l’étable traire les vaches, soir et matin, avant de se rendre à l’école et au retour. La mère de Guy n’avait même pas de permis de conduire à cette époque. Elle s’est relevé les manches et s’est impliquée dans la formation du syndicat agricole (elle a eu 85 ans récemment et a été honorée le 7 juillet dernier à Upton comme une des femmes s’étant le plus impliquée en agriculture). C’est donc une histoire de famille et de courage. Présentement, la ferme familiale compte près de 701 acres. On y fait des grandes cultures et du foin. Plusieurs membres de la famille sont impliqués; son frère Claude et son fils Olivier ainsi que la fille de Guy, Vanessa.
En qualité de producteur agricole, quelles actions avez-vous mises en place sur vos terres pour améliorer la qualité de l’eau des fossés et ruisseaux?
« Ce n’est pas compliqué, c’est les bandes riveraines. Je n’ai pas d’arbres, mais je suis entouré de bois, donc je n’ai pas besoin de haies brise-vent comme tel. Mes bandes riveraines sont laissées au naturel, mais je les fauche une fois par année. C’est suffisant. En plus des bandes riveraines, je fais du semis direct : la terre reste en place au lieu de se gaspiller dans le ruisseau et dans l’air, ça fait beaucoup moins de poussière. C’est assez remarquable. Ça fait une quinzaine d’années que je fais du semis direct en alternance maïs, soja et sans labour, je dirais une dizaine d’années. Aussi, quand on regarde le prix et l’entretien de la machinerie, même si le semis direct n’est pas toujours aussi productif, tout considéré, c’est plus avantageux. On a longtemps pensé qu’une terre doit être travaillée au maximum, mais les mentalités changent. Mes pratiques aident les cours d’eau parce que quand il y a de fortes pluies, la terre reste sur place, elle ne s’en va pas dans le ruisseau. »
Comment vos actions ont-elles aidé à améliorer la diversité des plantes indigènes, oiseaux, etc. sur vos terres?
« C’est une question difficile. C’est sûr qu’il y a plus de vers de terre dans mon champ.Il y a moins de mouettes à l’automne. Je me rappelle quand on labourait autrefois, au bout d’une heure, il y avait un troupeau de mouettes. Quand on sait que les mouettes sont des prédateurs pour les autres oiseaux et aussi qu’elles mangent les vers dans les champs labourés, ça fait une différence sur la biodiversité pour le sol et les oiseaux. Pour ce qui est des plantes indigènes, je reconnais qu’on a un problème avec certaines plantes envahissantes, le phragmite, en particulier. Il faut que je le détruise, car ça entre dans le champ. D’un autre côté, j’ai des boisés que je conserve sur mes terres. Ça comprend une érablière d’environ 1 000 entailles, exploitée de façon traditionnelle. »
Autour de la maison des Lapointe, on remarque une diversité de plantes dans l’aménagement paysager qui favorise plusieurs espèces d’oiseaux. Durant l’entrevue, on aperçoit un chardonneret et un tyran tritri. Guy rapporte la présence accrue des dindons sauvages.
Comment voyez-vous la collaboration entre les différents groupes de producteurs agricoles?
« Mon frère fait partie du syndicat de base du Club agro avec qui on fait affaire. Le club fait une journée de champ l’été et on a aussi d’autres formations dans l’année. À certaines occasions, j’ai accueilli chez moi des groupes d’agriculteurs pour des « journées de champ ». Nous, on a eu notre formation directement sur le terrain. Par contre, nos jeunes ont été à l’ITA et il faut les écouter aussi. Donc, on se tient au courant. Les clubs-conseils recommandent des pratiques pour protéger l’environnement. Pour obtenir le remboursement de taxes, il faut que ce soit approuvé par un agronome avant l’envoi au MAPAQ. Ce n’est pas assez. Le MAPAQ et le gouvernement devraient soutenir davantage les bonnes pratiques avec d’autres mesures. Présentement, peu importe nos pratiques, on est tous dans le même bateau. Donc, ça prend plus qu’un petit bonbon, mais un vrai encouragement. »
M. Lapointe représente les agriculteurs au conseil municipal, dont il est devenu maire récemment. Mais au-delà du courage de Guy Lapointe, retenons qu’il y a le plaisir, comme il le dit lui même. « Quand on aime son métier, ce n’est plus du travail, c’est une vie. Et nous, on prend le temps de vivre. »

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