J’étais en vacances au Saguenay–Lac-Saint-Jean quand l’écho de son décès s’est rendu jusqu’à moi. Cette nouvelle m’a attristée, même s’il y a belle lurette que nos routes autrefois fort fréquentées s’étaient recroisées.
Si mon souvenir est bon, et c’est généralement le cas, notre dernière rencontre remontait au mois de décembre 2018 au gymnase de l’école Casavant alors qu’il venait d’être intronisé au Cercle honorifique de la CSSH au terme d’une soirée reconnaissance.
Membre du comité de sélection, j’avais eu la chance d’endosser chaudement sa candidature pour saluer l’ensemble de son œuvre. Dans LE COURRIER suivant le gala, je lui avais attribué ma rose de la semaine, en lui témoignant par écrit toute mon appréciation. « Un grand et bon monsieur », avais-je écrit.
Et je n’en pense certainement pas moins aujourd’hui.
Au terme du gala, nous avions d’ailleurs discuté respectueusement, et même d’une certaine façon fait la paix avec le passé, en référence à une période plutôt trouble de sa vie de gestionnaire. Je rappelle qu’il a consacré près de 35 années de sa vie au monde de l’éducation, dont les 17 dernières à titre de directeur général de la CSSH où il a eu à gérer bien des crises.
Débarqué au COURRIER comme vaillant et rigoureux journaliste attitré à l’éducation et à la santé en 1995, j’ai eu l’occasion d’agrémenter (!) les trois dernières années de sa prolifique carrière qui s’est terminée par une retraite fort méritée à l’été 1998. Ses trois dernières années à la barre de la CSSH n’ont pas été un long fleuve tranquille. Loin de là. Les plus âgés de nos lecteurs se souviendront sans doute de la crise interne qui avait éclaté à la table du conseil des commissaires, alors présidé par Lise Desmarais, en décembre 1996.
Une crise aux lendemains mouvementés qui ont fait couler beaucoup d’encre par la suite, en alimentant plusieurs manchettes du journal. Au point où le toujours modéré Jacques Dupré avait fini par sortir de sa réserve habituelle, en juillet 1997, en dénonçant ce qu’il considérait comme de l’acharnement de la part du COURRIER et de son impitoyable journaliste. « LE COURRIER a mordu à belles dents dans nos problèmes internes, les gens autour de moi n’en reviennent pas de la façon dont votre journal a traité ça. […] Dans une commission scolaire, il y a des choses qui sont accessoires et des choses vitales. En s’occupant exclusivement du côté spectacle, voire du côté cirque, vous avez provoqué un détournement de l’attention publique », avait-il lancé, exaspéré.
Sa présidente avait renchéri en nous invitant à traiter avec la même vigueur les affaires municipales. « Si vous vous donniez autant de mal pour creuser les dossiers municipaux, vous découvririez peut-être des choses intéressantes… »
Il faut dire qu’à cette belle époque, outre la zizanie au conseil des commissaires, le côté cirque de la CSSH était à son apogée avec le fiasco de l’usine-école Camoguid, une prime cachée versée à un prof de mécanique automobile, la surfacturation reprochée aux Autobus Laplante à Saint-Liboire et j’en passe.
Cette sortie de M. Dupré avait eu peu d’effet. Je me souviens avoir salué (!) sa retraite prochaine, au printemps 1998, par un reportage sur des étudiants de l’École professionnelle en train de réaliser l’aménagement extérieur de sa nouvelle résidence. Il n’avait pas tellement apprécié. Pas plus sans doute que mon enquête-choc et primée sur Desjardins et les agences de placement publiée en décembre 2000, le jour même du centenaire du Mouvement Desjardins, mouvement coopératif au sein duquel il s’est longtemps investi eavec cœur.
Mais beau temps, mauvais temps, Jacques Dupré ne se défilait jamais.
Il a toujours répondu à mes questions. Il se savait imputable et redevable et il se tenait debout avec panache. Il n’était pas du genre à se cacher derrière les responsables des communications ou ses directeurs adjoints quand cela chauffait. Il a toujours fait face à la musique avec élégance et intelligence. Je connais des DG ici et là qui devraient s’en inspirer.
N’est pas Jacques Dupré qui veut.