26 septembre 2024 - 03:00
Forum
Le GNR et ses « bibittes »
Par: Le Courrier
La Ville de Saint-Hyacinthe est aux prises avec des problèmes d’odeurs à son usine d’épuration de la rue Girouard Est en raison d’émanations de sulfure d’hydrogène. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La Ville de Saint-Hyacinthe est aux prises avec des problèmes d’odeurs à son usine d’épuration de la rue Girouard Est en raison d’émanations de sulfure d’hydrogène. Photo François Larivière | Le Courrier ©

« Je roule au gaz naturel produit ici ». C’est le slogan qu’on peut lire sur les portières des véhicules de la Ville de Saint-Hyacinthe. Nous avons applaudi la mise en marche de cette usine de biométhanisation voilà déjà quelques années.

La production de biogaz, parfois appelé « gaz naturel renouvelable » (GNR), est une façon de retirer le méthane des matières putrescibles et de le réutiliser à la place du gaz fossile dit naturel. Cela fait partie du « cycle court » du carbone. Le résidu (appelé digestat) peut devenir un engrais utile. D’un point de vue climatique, il vaut donc mieux brûler le méthane que le laisser filer vers le ciel. Donc, en théorie, récupérer le méthane qui serait éventuellement rejeté dans l’atmosphère et gérer utilement les boues de l’usine d’épuration sont de très bonnes idées.

À l’usage, on découvre quelques pépins. Le procédé de biométhanisation se fait dans un biodigesteur, sorte « d’estomac » géant où des millions de milliards de bactéries digèrent la matière organique. Normalement, ça va bien. Cependant, il arrive que les bactéries aient une « indigestion ». Comme pour un être humain qui a une indigestion, l’entourage doit subir des odeurs et des rejets peu ragoûtants qui sont l’antonyme du bon goût. Dans un tel cas, nous sommes tentés de dire au malotru : « Va péter ailleurs! »

L’utilisation des boues d’épuration dans une usine de biométhanisation est une bonne idée, mais parfois, elle dérange. Depuis le 30 mai, sept articles, trois éditoriaux et deux lettres ouvertes du maire de Saint-Hyacinthe se sont retrouvés dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe pour faire état de ces problèmes. Comme dommages collatéraux, les odeurs intermittentes obligent la Ville à geler le développement immobilier dans ce secteur pour trois ans sans oublier une poursuite judiciaire contre la Ville par le promoteur immobilier Groupe Robin.

Voilà quelques exemples concrets des désagréments que la biométhanisation peut faire subir au voisinage lorsqu’il y a des dérapages de ce procédé. En terre maskoutaine, nous avons présentement deux de ces usines qui sont en activité : celle de la Ville sur la rue Girouard et celle du Centre de traitement de la biomasse de la Montérégie (CTBM) à Saint-Pie. On peut également penser à un projet de traitement du lisier que la Coopérative d’électricité de Saint-Jean-Baptiste prévoit d’implanter à Saint-Damase.

Dans le cas de Saint-Pie, ce sont parfois des rejets d’une eau de couleur douteuse dans le ruisseau des glaises qui posent problème. Pour respecter la qualité de l’eau qui sort de son usine, le CTBM expédie les résultats de trois inspections par année à un laboratoire mandaté. Comme la compagnie n’enverra jamais des échantillons lorsque les « bactéries sont en grève », ces tests sont peu utiles. Des citoyens riverains ont demandé que des inspections soient faites sans préavis par ce laboratoire. La compagnie s’y oppose. Pourtant, une usine de filtration ou de purification de l’eau d’une Municipalité doit fournir des tests de la qualité de l’eau quotidiennement. Pourquoi le CTBM aurait-il la présomption de fournir seulement trois tests annuellement? Tout comme à Saint-Hyacinthe, c’est la qualité de l’eau du bassin versant de la Yamaska et les citoyens qui vivent à proximité de l’usine qui subissent les contrecoups lorsque « ça va mal »!

Si elle est bien faite, la biométhanisation peut être une bonne manière de gérer les boues d’épuration et certaines matières putrescibles. Mais cette technologie sera toujours une façon marginale de produire du méthane. N’en déplaise à la publicité quasi mensongère d’Énergir, cela ne représente qu’environ 1 % de ce qui circule dans les tuyaux de la compagnie, même si on espère pouvoir augmenter ce ratio légèrement.

Bien sûr, cette production de méthane peut faire rouler la flotte de véhicules de Saint-Hyacinthe, mais c’est nettement insuffisant pour tous les besoins d’énergie du Québec, qu’ils soient thermiques ou électriques. Le reste du gaz dit naturel provient de la fracturation hydraulique. Donc, la très vaste majorité du gaz « naturel » d’Énergir est un carburant fossile dont l’empreinte totale est pire que celle du charbon. Alors, il faut prendre la publicité d’Énergir avec des pincettes, car dans ce dossier et dans le cadre des changements climatiques, l’objectif est de gérer les boues et les lisiers sans oublier la qualité de l’eau de la Yamaska. La biométhanisation ne doit jamais être un remède qui soit pire que la pollution originale!

En recherche et développement, il est normal qu’une nouvelle technologie ait besoin d’une période de rodage avant d’être complètement à point. Dans une lettre ouverte en date du 13 juin, le maire de Saint-Hyacinthe, M. Beauregard, affirmait que « la Ville a décidé de s’attaquer à la situation afin de diminuer, voire d’enrayer cette source de désagréments ». Le nez collectif des Maskoutains a bien hâte que ces améliorations deviennent réalité. Il en va de même pour les Saint-Piens!

Gérard Montpetit, membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM)

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