14 mai 2015 - 00:00
Le marché-centre ce mal aimé, ce méconnu (2)
Par: Le Courrier
Scène de marché à la fin des années 1940, tiré de « Un avenir prometteur pour l’industrie – Saint-Hyacinthe à proximité de Montréal » non daté, page 35.

Scène de marché à la fin des années 1940, tiré de « Un avenir prometteur pour l’industrie – Saint-Hyacinthe à proximité de Montréal » non daté, page 35.

Scène de marché à la fin des années 1940, tiré de « Un avenir prometteur pour l’industrie – Saint-Hyacinthe à proximité de Montréal » non daté, page 35.

Scène de marché à la fin des années 1940, tiré de « Un avenir prometteur pour l’industrie – Saint-Hyacinthe à proximité de Montréal » non daté, page 35.

Cette publication est une transcription de la conférence de Robert Lalonde ­présentée au Centre d’histoire de ­Saint-Hyacinthe, le 17 janvier 2006. M. Lalonde a remis son texte manuscrit au Centre avec droit d’utilisation, il est décédé le 26 septembre 2012.

En 1935 : il y a construction de ­vespasiennes au centre du marché, côté est, rue Saint-Simon. En 1941 : le ­gouvernement fédéral, en temps de guerre, crée la Commission des Prix et du Commerce. Apparaissent alors les ­coupons de rationnement et la visite ­occasionnelle d’inspecteurs fédéraux. Cette Commission sera abolie en 1951.

En 1945 : la Ville décide de transporter les vespasiennes à l’extérieur, côté sud, rue Saint-Antoine. On y trouve deux éviers. Quatre urinoirs et quatre toilettes dont trois sont payantes, au tarif de 0,05 $. Le maire, à ce moment-là, est ­monsieur Ernest-O. Picard à qui l’on doit l’expression « Saint-Hyacinthe la jolie ». Comme à Montréal où les toilettes ­publiques dues à Camilien Houde ­s’appellent « les camionnettes » notre bon maire se demande si les Maskoutains ne nommeront pas les vespasiennes « les ­jolies picardiennes ».

En 1946 : mon père, Émery Lalonde, lance son commerce de boucherie à ­l’endroit laissé vacant.

En 1947 : au début de janvier, je fais mon entrée au marché. À ce moment-là, le marché n’était pas chauffé, mon père, toujours voyageur de commerce pour ­Canada Pakers Ltd (il faut bien assurer ses arrières) et Gustave Laberge travaillant pour Swift Canadian, prenaient ­ensemble les commandes des bouchers le lundi matin. Ça prenait deux 40 onces pour faire la tournée. À l’exception de la boucherie « Jos Fontaine & Fils » nous étions les seuls à posséder un comptoir réfrigéré. Nous avions également, comme nos voisins, de grandes dalles de marbre blanc qui servaient pour l’exposition des viandes.

En hiver, si nous sortions de la viande de la glacière, au bout d’une demi-heure, la viande commençait à geler et nous autres aussi. Si la température extérieure était 0º F (on ne comptait pas en Celsius) à cause de l’humidité et de la hauteur, à l’intérieur, il faisait –10º F. C’est pour cette raison que les bouchers étaient ­reconnus comme des ivrognes. On sort la fiole, on picole et on caracole. On rentrait dans le frigidaire pour se réchauffer.

Nous étions les seuls à employer du ­papier Kraft pour l’emballage des viandes. À Noël et à Pâques, nous avions du papier de couleur approprié. Certains clients nous en demandaient pour envelopper leurs cadeaux. Les autres ­bouchers se servaient de papier journal. Nous ­utilisons la ficelle « égyptienne » de ­Goodyear Cotton qui servait à renforcer la membrane des pneus. La vie n’était pas facile, mais quel beau métier quand même! La moyenne hebdomadaire des salaires était alors de 25 $. Le mou pour les chats, les os pour les chiens, les os à soupe étaient gratuits ainsi que la ­livraison tous les jours.

En 1948 : un contrat de 18 978,50 $ est donné à la maison Langelier et ­Patenaude pour l’installation d’un système de ­chauffage comprenant six grosses bouches d’air chaud.

En 1949 : le chauffage est installé. Une ­ouverture est faite dans le trottoir, avec trappe double en acier, pour sortir les cendres du côté ouest, au centre, rue Saint-François. Moi j’ai dégrisé en 1950! C’est à ce moment que j‘ai donné des cours à l’École de médecine vétérinaire, afin que les futurs médecins vétérinaires sachent à quels muscles correspondaient les différentes coupes de viande. Le tout gratuitement et à l’extérieur, car les ­animaux servant à la démonstration étaient embaumés au formol.

À ce moment-là, le marché comptait ­quatorze bouchers à l’intérieur, quatre à l’extérieur en plus d’une poissonnerie, d’un marchand de fruits et naturellement les ­maraîchers et les pomiculteurs, de plus, au printemps, les acériculteurs. Tous les jours, le « Père Cadorette » ­vendait son pop-corn au beurre à côté de l’abreuvoir sur la rue des Cascades. Le vendredi et le samedi, le ­propriétaire de la Fromagerie Lemaire ­vendait son fromage en grains sous l’aile au centre, côté ­Saint-Simon. Deux gros barils par jour, à raison de 0,25 $ le sac.

Jusqu’au début des années 1950, ­l’hiver, les agriculteurs et surtout leurs épouses ­vendaient leurs légumes et des produits ­d’artisanat dans le haut du ­marché. Là aussi, ça prenait un coup ­solide! De la viande, il y en avait de tous les prix pour tous les goûts. ­Malheureusement, certains n’avaient pas grand goût et d’autres n’en avaient pas du tout… Nous formions, malgré la ­compétition existante, une grande famille. Comme dans toute grande famille, nous avions divers spécimens : des fronts de boeuf, des cochons et même un mouton noir.

À suivre…

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