C’est pourquoi ce mot est habituellement prononcé avec parcimonie et extrême prudence, de peur de raviver d’anciennes blessures de guerre. Tant et si bien qu’il semblait être disparu de nos pages depuis une bonne douzaine d’années, avant de réapparaître soudainement dans notre édition du 6 juin.
C’est à la Ville de Saint-Hyacinthe que l’on doit son grand retour, elle qui tente d’associer le concept surpralocal à l’acquisition de bâtiments ou de terrains pouvant accueillir de nouvelles écoles secondaires. Ces dernières sont nécessaires afin de répondre aux besoins d’espaces du Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe. Comme bien d’autres, la Ville de Saint-Hyacinthe n’a pas tellement aimé que le gouvernement change les règles du jeu en 2020, en obligeant les municipalités à assumer l’entièreté des coûts d’acquisition des immeubles et des terrains devant servir à accueillir de nouvelles écoles.
Dans le cas des écoles primaires, ça passe encore, mais pour ce qui est des écoles secondaires, qui reçoivent des élèves provenant des municipalités situées à l’extérieur de la ville-centre, la Ville ne voit pas pourquoi elle serait la seule à payer la facture. Elle souhaite donc la partager en 17 tranches, une pour chaque municipalité de la MRC, selon le système de quote-part déjà établi. Au lieu d’assumer 100 % des frais, elle n’aurait plus qu’à en payer 56 %.
Il s’agit là d’une économie intéressante et d’une idée qui risque de soulever de l’intérêt ailleurs dans le monde municipal. Malgré nos recherches, nous n’avons pas été en mesure de trouver jusqu’ici des cas récents où de telles factures ont bénéficié d’un partage au niveau régional pour des écoles secondaires.
Dans un monde idéal, la proposition de la Ville de Saint-Hyacinthe recevrait un accueil favorable des municipalités voisines, à défaut de soulever leur enthousiasme. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Il est loin d’être acquis que les municipalités rurales voudront toutes spontanément contribuer à l’ajout d’une école à Saint-Hyacinthe. Et je ne suis pas le seul à douter de leur euphorie à l’idée de recevoir cette nouvelle facture.
J’en ai discuté avec le conseiller Bernard Barré, lui qui terminera l’an prochain un dixième mandat consécutif à la Ville. Il a tout vu et tout entendu de la politique municipale régionale depuis 1988. Le coloré conseiller souffle le chaud et le froid à propos de la réaction des autres municipalités au partage de facture proposé. « Une partie de moi est optimiste, car ce sont des gens intelligents [à la table de la MRC]. Il y a une question d’équité et de logique là-dedans. Il serait normal que chacun paie sa juste part. En même temps, les autres municipalités ont toujours été allergiques à tout ce qui est supralocal. Pour l’entente sur les loisirs, ce fut la guerre mondiale et pour l’entretien du Centre des arts, elles n’ont jamais voulu payer une cenne pour ça. C’est frustrant à la longue. On est trop bon gars à Saint-Hyacinthe, on veut toujours faire plaisir à tout le monde. On devrait mordre plus souvent. »
Dans le dossier du Centre des arts Juliette-Lassonde, la Commission municipale du Québec avait pourtant fini par se rendre aux prétentions de la Ville de Saint-Hyacinthe en confirmant le caractère supralocal de cet équipement en 2009. Quinze ans plus tard, cette décision n’a pourtant jamais eu de suite.
Est-ce qu’une école secondaire peut réellement être assujettie à la notion d’équipement surpralocal? Là est la question.
Selon la Loi sur la Commission municipale : a un caractère supralocal tout équipement qui appartient à une municipalité locale ou à un mandataire de celle-ci, qui bénéficie aux citoyens et aux contribuables de plus d’une municipalité locale. En théorie, ça ne colle pas trop puisque les écoles publiques relèvent du gouvernement et non des municipalités au niveau de la gestion.
En pratique, par contre, nous partageons toutefois le point de vue de la Ville de Saint-Hyacinthe. Le partage de la facture a du bon sens.